La vie à Bord
Comment réussir la vie à bord quand nous sommes trois personnes très différentes dont deux forment un couple depuis maintenant 35 ans avec toutes les habitudes que ça comporte?
Nous nous sommes posé la question ensemble. Donc, ce que je vous écris c’est notre équipage qui m’a inspiré.
Tout d’abord, l’été dernier, nous avions vérifié notre capacité de vivre à bord de Nomade II par des vacances de trois semaines où nous sommes allés entre autres aux Iles-de-la-Madeleine. Après notre post-mortem, nous avons décidé que oui, nous formerions l’équipage à bord de Nomade II.
Nous avions des choses à préparer ensemble et chacun de notre côté. Contrairement à ce que l’on suggère, nous n’avons passé que peu de temps ensemble dans les mois qui ont précédé le départ.
Mais, lors du post-mortem , nous avions échangé sur nos craintes, les aspects plus difficiles de nos personnalités et nous étions engagés à réfléchir et modifier certains comportements si nécessaire.
Par exemple, je suis une marmotte et les quarts auraient pu être cauchemardesques. Mais, comme je suis une fille de parole, j’ai travaillé très fort et je m’accommode assez bien des heures de sommeil entrecoupées.
Selon nous, les règles de base pour réussir un équipage sont : respect, confiance, capacité de parler, de se dire les choses. Nous pensons aussi que nous devons désirer profondément faire de cette expérience de navigation une réussite pour tous. La sécurité à bord se doit d’être respectée par tous. Il n’y a qu’un seul capitaine à bord, peu importe l’expérience de navigation de l’équipage.
Pour nous, nous ne faisons pas de course, la traversée que nous faisons n’est pas la Transat.
L’humour est un élément essentiel quand on vit si proche les uns des autres. L’authenticité est aussi importante. Savoir respecter le besoin de solitude de l’autre même sur un voilier de 32 pieds.
Pour ce qui est de la vie à bord, la première semaine nous a permis de nous amarriner et d’apprendre comment bouger à trois. C’est-à-dire se donner un langage commun, déterminer les rôles et fonctions de chacun: quand on fait des manoeuvres, qui fait quoi. Nous aurions dû aussi déterminer qui serait responsable des repas mais, ça c’est tout naturellement installé pour nous. Germain et moi, nous partageons cette tâche pendant que le capitaine planifie notre route, est en lien avec le réseau du Capitaine etc…
Pour ce qui est du ménage, chacun fait sa part au fur et à mesure. Les gars voient aux réparations à bord et moi, je suis plus à la planification des repas, lessive. J’attire votre attention sur le fait que je préfère de beaucoup faire les tâches dites « de filles » plutôt que de me taper les réparations de moteur, d’électricité etc….
Comme l’espace nous est compté, nous savions déjà que nous aurions à partager les deux couchettes du carré. Nous avons chacun nos oreillers. Pensez-y, deux trajets totalisant presque 4,000 milles marins, pas de douche à bord…. Mais, non c’est pas si terrible que ça! Il y a même des jours où nous dormons tout habillés.
L’intimité à bord : très peu. Comme nous sommes des personnes assez respectueuses des autres, nous tentons de laisser des moments à chacun. Pour moi, c’est sur la banquette tribord que j’ai fait mon nid que je partage avec Germain. Serge, lui, a son antre, la cabine arrière qui sert de lieu de communication et une partie des outils sont là. Germain, lui, va à l’occasion sur le pont faire la pitoune de bateau (celle qui se fait bronzer).
À l’arrêt des Açores, nous avons été surpris d’entendre parler les autres équipages. La chimie qui nous unit ne semble pas se retrouver partout. Nous en apprécions d’autant plus la belle complicité qui nous unit. Bien sûr, il faut faire des compromis, mais avec le temps, c’est de plus en plus facile d’y arriver. Pour nous, il n’a pas été trop ardu de trouver l’équilibre qui nous permet de vivre une expérience extraordinaire ensemble.
Je sais que beaucoup de questions restent en suspens. À l’automne, je me promets de continuer à écrire. De plus, lors du retour de Serge à Québec à l’automne, nous ferons un post-mortem et nous pourrons vous revenir sur le sujet.
Conclusion: respect des rôles, des personnes, confiance, humour, volonté de vivre une expérience réussie et enrichissante, sécurité, franchise, partage. Voici quelques éléments qui nous permettent d’être un équipage heureux et qui a le goût de naviguer encore ensemble un jour. Capacité de se questionner, de s’ajuster.
Merci de votre patience pour me lire. Excusez les tournures de phrases, je ne suis pas écrivaine mais je suis très heureuse de partager ces réflexions avec vous.
À plus tard, mon quart est arrivé.
Chantal