Femme de marin 2013-42: Un chasseur sachant chasser…

Répétez après moi : « Un chasseur sachant chasser doit savoir chasser sans son chien ».

Je suis allée reconduire le Capitaine à l’autobus. Il s’est travesti en chasseur. Après 2 ans d’abstinence, le « call » de l’orignal a résonné dans ses oreilles, et c’est tout guilleret qu’il se dirige vers sa région natale, Rouyn-Noranda. Une retraite fermée, en plein bois, avec l’espérance de rapporter quelque chose à mettre dans le congélateur. Je ne l’envie pas du tout : les mouches, l’humidité, le froid…

Quant à moi, j’ai le cerveau dans la brume après 12 heures en ligne de travail sur la plus grosse révision du programme que notre département universitaire a entrepris depuis 10 ans. Même pas le temps d’aller pisser…

Ça a toujours été comme ça. Quand je travaillais à l’université Laval, je me claquais des semaines de 7 jours à corriger des journaux de bord et à mettre des commentaires personnalisés en espérant que mes étudiants pourraient y trouver matière à réflexion. Travail de moine… Calcul rapide : 26 semaines par an d’enseignement X moyenne de 12 journaux par semaine X une moyenne de 10 commentaires différents par journal X 7 ans d’enseignement = 21,840 commentaires, et tous individualisés. De quoi se faire une tendinite! Et ça vous développe une argumentation critique!

Une de mes forces : ma grande rapidité d’exécution. Ma chum Guylaine m’appelait « Ricochet-va-vite ». Je livrais à la vitesse de l’éclair. Mais avec les années, la madame commence à accuser du recul même si elle est toujours rapide. Autrefois, je me tapais des journées-marathon et je trouvais le tour de sortir en boîte 3-4 soirs par semaine. Le lendemain, j’étais fraîche comme une rose! Aujourd’hui, quand je me lève le lendemain, j’ai un air de déterré! Mon corps se venge… Dur, dur de vieillir parfois.

Discussion avec ma psy :

–          Si je comprends bien, vous êtes moins rapide qu’avant mais demeurez toujours plus rapide que les autres?

–          Euh… oui, mais je suis vidée présentement.

–          Bien, quelle raison votre patron aurait-il de vous fournir une assistante si vous livrez quand même dans les temps?

–          Euh… ouin!

Eh, la bonne femme, t’as 57 ans! Je dois ralentir le rythme, ou plutôt le répartir autrement. Je ne m’ennuie pas de l’ancien temps, loin de là. J’ai été performante, je le suis encore mais ça laisse des marques. Je rêve plutôt d’une job où je me la coulerais douce. Huit ans encore à tirer, mais j’aime à dire que c’est plutôt 6 ans, les deux dernières étant en retraite progressive.

Je me rappelle de mon mentor, Jean Leahey (un homme remarquable), du temps que j’étudiais à l’université, qui m’avait dit un jour qu’il en était à redéfinir ce qu’il voulait faire pour ses 10 dernières années de travail. Son statut lui permettait de faire ça. J’ai atteint le statut de Professionnelle et je m’épuise au travail.

Comme le chantait si bien Dalida, je rêve de « Caramels, bonbons et chocolat », de regarder la mer et me demander quelle sera la prochaine photo que je prendrai, la prochaine toile que je créerai, quel sera le prochain pays que je visiterai, quel visage aura l’enfant de ma fille et comment j’organiserai mon temps pour aller garder le petit ange le plus souvent possible. Des rêves simples, sans fioritures.

Répétez après moi : « Un rêveur sachant rêver doit savoir rêver sans… »

Femme de marin 2013-9: Maudite technologie!

Imaginez-vous la scène : vous n’arrivez pas à obtenir la communication et sur l’écran s’affichent des tas de signes bizarres alors que vous tentez de composer le numéro de téléphone. L’appel est urgent. Vos derniers remparts de patience viennent de s’écrouler. A bout de ressources,  vous saisissez le combiné que vous faites crasher violemment à répétition sur votre table de travail en lançant des cris de babouin angoissé!

allo-animaux-singe-bananne-telephoneSi c’est un rêve, il y aura sûrement quelqu’un pour vous dire que vous vivez une angoisse inconsciente…

Si c’est un passage à l’acte, il y aura sûrement quelqu’un pour vous taxer de violent et vous dire qu’il faut vous enfermer…

Si c’est un fantasme, il y aura sûrement quelqu’un pour vous dire que la capacité à fantasmer signe une certaine normalité psychique. En effet, le fantasme permet une régulation psychique des désirs inconscients, nécessaire à la bonne santé mentale.

Ce matin, j’hésite entre le fantasme et le passage à l’acte… Rien ne me fait plus sacrer qu’un équipement défectueux! Trouvez-moi celui qui a dit que la technologie allait simplifier nos vies, que je le décapite au plus vite (tiens, un autre fantasme….).

Bien sûr, je glorifie la modernité et toutes ces petites inventions qui sont censées nous donner plus de temps de loisir mais je perds toute ma zénitude lorsque je vois que le dernier gadget acheté (dont j’ai pris soin de choisir avec le moins de pitons possible) cache, dans sa boîte, un livret d’instructions aussi épais que le bottin téléphonique de Montréal! Je fulmine à l’idée de perdre de précieuses minutes (pour ne pas dire heures) à tenter de déchiffrer une mauvaise traduction en français ou à comprendre les nombreuses étapes écrites dans un langage parfois si technique que j’arrive à peine à trouver le bouton on/off ou à ouvrir la boîte sans l’aide d’une grenade. Quant aux kits de montage, ils sont parfois si mal dessinés que ma petite-fille Hailey de 2 ans ferait mieux! Si c’est ça qu’on me propose comme loisir, j’ai donné….

Les nouvelles technologies améliorent la vie, c’est vrai, mais elles nous handicapent sur certains points aussi. Avez-vous déjà fait l’expérience de l’impuissance à ne pas pouvoir programmer votre nouvelle télé sans l’aide d’un technicien de votre fournisseur de télécommunications? Une simple expérience de programmation de nouvelle manette de télévision a failli tourner au cauchemar il y a deux ans. Après avoir passé plus d’une heure à lire le petit dépliant fourni et fais plusieurs tests pour tenter une programmation, j’ai dû me résoudre à appeler le soutien technique de mon fournisseur et croyez-moi, ça n’a pas été plus simple. Successivement, je suis passée d’une dame relativement gentille et agréable à une pimbêche impatiente et frustrée, pour terminer dans un coït interrompu de larmes et de grincement de dents. Tout un show, je vous le dis!!!

Ça doit être une conspiration! Saviez-vous que la plupart des appareils électriques et électroniques sont faits pour que lorsqu’ils se brisent, ceux-ci ne sont plus réparables et qu’on doive simplement les remplacer? Parfois, ce sont les pièces qui sont hors de prix. L’an passé, l’horloge de notre cuisinière s’est éteinte. Le Capitaine est revenu bredouille de son expédition chez le marchand de pièces réusinées car la pièce coûtait presque aussi chère qu’une cuisinière neuve. Ben… on a gardé notre cuisinière et on regarde ailleurs pour savoir l’heure!

Donc, me voilà ce matin devant un téléphone qui parle le Klingon (http://fr.wikipedia.org/wiki/Klingon) et un ordinateur dont la moitié des applications joue au junkie…. Respire, inspire… respire, inspire… Mado, t’es une professionnelle, t’es au-dessus de ça, tu vas pas t’emporter pour si peu…

Dernier regard de Dr. Jekyll et Mr. Hyde au téléphone silencieux. On sait jamais : mon œil de Shining pourrait le faire changer d’idée… Je me dirige vers la porte, me retourne subrepticement : toujours rien. Mes yeux se plissent : crève, salaud!!

Morale de l’histoire, avec tous ces fantasmes, ma santé mentale est en feu!!!!

Femme de marin 2013-8: mon amie Alice…

Ah! J’ai envie de vous parler d’Alice ce matin.

Alice

La première fois que j’ai fait la connaissance d’Alice c’était lors de la traversée de l’Atlantique en 2008. Mes écrits nous avaient rapprochées. Son premier courriel commençait ainsi :

« Bonjour, je suis Alice la maîtresse terrestre de Mario, Capitaine de sa maîtresse marine ».

C’était joliment dit.

« Tout comme toi, je suis celle qui reste, qui s’inquiète, qui est un peu trop souvent sur le Web et qui cherche à calmer ses angoisses dans chaque petit signe qui lui tombe sous la main. Mais je sais qu’il est le plus heureux des hommes en ce moment et ça vaut tout ce mauvais sang ».

D’emblée, j’étais conquise. Durant tout l’été qu’a duré la traversée, nous avons échangé une correspondance. Elle lisait mes chroniques sur le site et y répondait en me parlant de ses impressions, de son quotidien et de ce que cette aventure lui faisait vivre. Nous avions trouvé notre fil conducteur.

Nous avons fini par nous rencontrer. Des yeux pétillants, une intelligence vive, un rire communicatif… Tout de suite j’ai su qu’il existe des sœurs de sang mais qu’il y a aussi des sœurs de vie. Malgré nos dix ans de différence, les barrières n’existaient pas entre nous. Nos hommes étaient partis et nous étions restées, chacune pour des raisons différentes. Moi, je passais difficilement au travers du deuil de ne pas avoir suivi et comme tous nos amis de voile s’étaient embarqués dans cette aventure maritime, je croyais être la seule sirène qui lançait des chants désespérés sur son île. Contre toute attente, une autre sirène avait répondu à l’appel et depuis, ni l’une, ni l’autre n’a défailli.

Cinq ans déjà… Nos marmailles grandissent, vivent leur vie et nous avons affronté bien d’autres tempêtes depuis. Deux, trois fois par an, nous faisons le point et toujours ce support indéfectible qui nous lie.

Dernièrement, Alice a dit qu’elle aimerait fêter ses 50 ans en Irlande. Moi, ça m’a parlé, vous comprenez… Nous avions un projet commun qui était une tierce personne auparavant. Nous avons su tisser un projet qui nous relie en dehors de nos Capitaines respectifs. C’est que les sirènes sont deux femmes autonomes, pleinement assumées, avec des parcours non linéaires et le désir d’explorer bien des avenues. La vie est loin de s’arrêter après la quarantaine… Comme j’aime à dire : on n’a pas des profils plats ni plates!

Oui, nous irons en Irlande (3 ans encore). On s’y baladera en camping car. On visitera les villages cachés et les péninsules sauvages. Tous les gens qui sont allés en Irlande vous le diront : les routes y sont loin d’être les meilleures. Leur état laisse souvent à désirer et leurs trous, bosses et autres défauts sont fréquents mais bon, on sera pas trop dépaysées vu qu’on vit au Québec! Les routes sont souvent étroites au point où on se demandera sûrement si elles ont un double sens, mais vive les GPS! On aura sûrement des moments où on va descendre tous les Saints du ciel pour qu’ils se fassent brasser le popotin avec nous. Remain open mind!

Mais on aura nos moments de fou rire aussi et des moments de grâce et de respectueux silence. L’Irlande c’est un pays de valeurs fortes, de contrastes, voire de contradictions. Un pays qui nous ressemble…  Ce sera notre Rallye des gazelles à nous.

Oui, nous sommes celles qui restent… fidèles à nous-mêmes, aux gens que nous aimons, à l’amitié qui nous lie.

Pour le reste….

 

 

Femme de marin 2013-7: Bordel de mère! (et photos de Lumbarda en prime)

Un jour, j’ai lu une phrase qui disait quelque chose comme : « Le plus beau cadeau que tu peux faire à ta fille c’est de t’occuper de toi comme femme aujourd’hui ». Je me suis empressée d’écrire ça dans mon agenda et de le souligner au gros marqueur rose. Ça m’aidait à me déculpabiliser les jours de cafard.

C’était à une époque où je venais de laisser un mari et un enfant de 2 ans derrière moi. J’étais dans une spirale qui m’aspirait vers le bas. Je dis pas ça pour me justifier mais j’étais vraiment pas jojo. Vivre avec moi c’était pas de la tarte! Je me voyais aller et je trouvais qu’ils ne méritaient pas ça. J’étais lourde et je le savais. Quand c’est rendu que pour savoir comment tu vas, ton chum est obligé de lire ton journal intime que tu lui tends…

La petite, elle, savait pas lire. J’arrivais plus à la regarder en face. J’avais l’impression qu’elle lisait dans mes pensées et ça m’arrachait le cœur. Je venais de faire un an et demi de psychologie à l’université et j’étais tombée sur La mère suffisamment bonne de Donald Winnicott (psychanalyste et pédiatre anglais). Selon lui, c’était celle qui, en satisfaisant nos désirs, nous apprend que la vie vaut la peine d’être vécue ; la même qui, en en frustrant certains, nous dit aussi qu’il faudra conquérir seul cette autonomie. Moi, j’avais l’impression que j’étais juste frustrante. Je comprenais pas ce qu’étaient les besoins d’un enfant peut-être parce que j’en étais une encore et que je ne savais pas faire la différence entre les siens et les miens.

Ce maudit Winnicott, il m’a pourri la vie! La mère suffisamment bonne… C’est une conception qui peut prendre une tournure moralisatrice hors des conceptions psychanalytiques. L’idée de mère suffisamment bonne vient du fait qu’elle ne doit pas l’être trop. Bâtard!!!  C’en était fait : je vacillais entre l’être trop ou pas assez. Toujours cette mesure qui vous tourne autour!  Beaucoup plus tard, quand j’ai connu le Capitaine et que j’ai su qu’il avait élevé son fils seul, j’ai compris que ce concept peut s’appliquer aux hommes. Le père suffisamment bon, ça existe aussi mais on n’en parle pas ou si peu.

Pourtant, je ne m’inquiétais jamais pour ma fille. Je savais qu’elle était entre bonnes mains et qu’elle avait eu la chance d’avoir un père suffisamment bon, probablement meilleur que ce que j’aurais pu être comme mère si j’étais restée. Je sais, faut pas se juger si sévèrement, tout le monde fait son possible… Aujourd’hui, il m’arrive de m’inquiéter pas mal plus pour elle, rendue adulte, que lorsqu’elle était enfant! Maudit qu’on est mal faits des fois! Mais j’ai longtemps pensé qu’il aurait mieux valu être un homme, ça semblait tellement plus simple : me semblait qu’en général, les hommes se cassent moins la tête, ont moins de remords et de questionnements existentiels que nous. Mais peut-être que ma vision était erronée.

J’étais simplement sans ressources. Dans un article que j’ai déjà écrit en 2011 (https://maler999.wordpress.com/2011/05/12/femme-de-marin-femme-de-chagrin/), j’écrivais ceci à une amie de ma fille :

« Nous étions si dépourvues de ressources sous l’apparent échafaudage de maquillage. Nous étions des vaisseaux d’or, certes, mais perdus sur une mer déchaînée que nous n’arrivions pas à calmer. Vos cris, aussi exaspérants puissent-ils avoir été, étaient une tentative de nous réveiller à la vie. Maintenant, nous devons apprendre à vivre avec la tristesse de vous avoir emportées, malgré vous, dans nos tourments, mais aussi la fierté de vous savoir fortes et fragiles à la fois, ce qui fait toute votre beauté et votre unicité. Nos bateaux se sont souvent échoués et nous avons perdu bien des cargaisons, mais la vôtre, la plus précieuse, demeure. »

Heureusement! Et avec le temps, le lien s’est solidifié avec ma petite qui songe sérieusement à devenir mère à son tour. Je connais plein de mères suffisamment bonnes autour de moi. D’abord, la mienne qui a toujours été à notre écoute et s’est souvent sacrifiée pour qu’on soit bien. Puis ma sœur qui en a mené trois vers l’envol. Et les sacoches qui m’épatent continuellement : Cricri qui éveille son petit sur les beautés de la vie, Goglu qui gère sa marmaille comme un club sélect, Sophie qui entoure les siens d’amour tout plein et Eve, la chamane du groupe, la bonne fée, qui consacre sa vie à sa marmaille. Il y a aussi Alice, la douce, Gigi qui donne sans compter et Chantale, la dévouée. Darrah aussi, ma belle-fille, qui attend son quatrième et qui m’impressionne avec son énergie débordante. Et je pense aussi à toutes celles que je connais qui n’ont pas eu d’enfants mais qui prodiguent soin et attention à leur entourage.  Vous êtes des mères intérieures.

Parce que j’ai fait autrefois le choix d’être une mère « à temps partiel », je ne saurai jamais si j’avais été suffisamment bonne à temps plein, mais au fond, est-ce si important que ça? Les petits-enfants, ça apaise souvent vos questionnements troubles, c’est le fil conducteur entre ce que vous n’avez pas su vous dire pour vous consoler et ce que vous auriez aimé dire aux gens que vous aimez le plus.

A toutes ces femmes que j’aime, bonne fête des mères!

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Femme de marin 2013-6: C’est juste des émotions, c’est pas une dépression!

Sister est venue me voir en fin de semaine et nous avons eu une conversation intéressante sur les émotions vécues lorsqu’un des conjoints est parti au loin pour un long moment. La conversation concernait surtout l’étalage de ces émotions sur mon blogue  (les chroniques concernées viennent d’être rebaptisées  Femme de marin…) et de l’effet que la lecture de ces chroniques a sur certaines personnes. Sister parlait surtout de la façon dont elle recevait mes propos mais aussi des commentaires que Mother lui faisait parfois. Il faut dire aussi qu’il m’est arrivé (pas souvent, heureusement) d’avoir des commentaires d’autres personnes qui démontraient une légère inquiétude sur l’état de mes humeurs.

Peut-être que mes propos traduisent mal mon esprit au moment où ils le traversent.  Bon… je ne m’attends pas à ce que tout le monde comprenne de façon empathique ce que je ressens mais je crois (déformation professionnelle) que pour faire comprendre le vécu d’une expérience, il faut en parler! J’ai toujours cru aussi que le pouvoir soulageant de se reconnaître dans l’expérience de l’autre permet de s’approprier la nôtre. Quand j’ai commencé à écrire mon blogue, j’ai cherché en premier s’il existait quelque chose de similaire sur le Net et je n’ai presque rien trouvé. Bon, c’est pas parce qu’on ne voit rien que ça existe pas! Donc, je construis à mesure, j’y vais au feeling.

Prenons les cartes marines : elles vous donnent de précieuses indications sur les sondes et la profondeur de l’eau, les dangers comme les récifs, les hauts-fonds et les épaves, la signalisation maritime et les amers. Mais en aucun temps, elles ne sauraient vous renseigner sur les conditions météo lors de votre traversée (il vous faudra un autre outil pour ça) et sur l’état de votre esprit et la force psychologique que ça vous prendra pour affronter les intempéries et les imprévus. Il en est de même pour l’expérience de vivre séparé du conjoint. On sait qu’en théorie le Capitaine reviendra et qu’on devra traverser cette attente sans lui mais les fluctuations émotives suivent le flow et ne sont jamais prédictives. Tenter de garder le cap, sans plus…

La discussion avec Sister m’avait laissé une vague impression que peut-être je faisais grand étalage de cette partie de mes émotions… J’ai donc fait un petit recensement et j’ai été étonnée. Depuis l’ouverture du blogue : 425 articles publiés. Sur ces 425, le Capitaine a écrit 57 chroniques (soit 14 % des écrits) tandis que j’ai pondu le reste soit 368 articles. Sur ces 368 articles, seulement 7 % ont été consacrés au couple tandis que le 93 % restant sont des chroniques de voyages ou d’humeur générale.

Seulement 7 %… Y a toujours ce petit moment où j’hésite entre « est-ce que j’écris ça ou non? », où je me demande si les gens vont interpréter ma nostalgie comme des sentiments forts entre deux personnes ou une manifestation extérieure que « ça va dont pas pour la pauvre Mado! ». L’idée des chroniques est de rendre compte de l’évolution d’une expérience au fil des années, sans toutefois la généraliser à toute personne qui en vit une similaire. Il s’agit plutôt de préserver son caractère unique et particulier. Qu’est-ce qui tisse un lien et le maintient? La distance renforce-t-elle ou diminue-t-elle ce lien? Quelles sont les caractéristiques des personnalités qui sont les plus enclines à supporter ce type d’expérience? Quelles couleurs prennent les concepts « éloignement », « confiance », « couple », « fidélité », « engagement » avec le temps?  Très heuristique en bout de ligne…

Mais pour le moment, je suis encore dans ma phase où les contacts physiques avec le Capitaine me manquent énormément. Sa voix me manque, ses bras me manquent, ses baisers me manquent… et tout le reste me manque. La phase la plus dure jusqu’à ce qu’on se retrouve. Et le Capitaine qui m’écrit régulièrement que ça s’en vient. Isn’t that cute??

A défaut de sa présence, je viens de me taper les 5 saisons de Sons of Anarchy et j’ai jeté mon dévolu sur Tig Trager (interprété par Kim Coates, six pieds deux, les yeux bleus, ça rend heureux!) et sa Harley Davidson Dyna Street Bob 2006, superbe engin qui me rappelle certains souvenirs de jeunesse que je tairai par discrétion naturelle… Là, vous vous demandez de quel engin je parle, hein??? Petits vicieux!!!

Tig me tient compagnie… Cinq semaines encore avant que j’aille m’affaler dans une gondole à Venise à tes côtés et je te jure, Capitaine, Tig n’aura plus aucune importance!

Femme de marin 2013-5: SDF

Je parle souvent en lien avec le Capitaine : le capitaine parti, le capitaine là… comme si je n’avais pas de vie ou que ma vie se résumait à une attente à la fenêtre, à regarder un quai désert, ou une attente dans une salle d’attente pour surmonter la maladie comme on surmonte une tempête.

 Il y a tous ces soupers pris toute seule, dans le silence de la maison, un verre de vin pour me donner de la force (une chance que je n’ai pas de tendances alcooliques!) et la télé ouverte pour m’apporter une présence (à moins que je parle seule et tout haut, simulant un dialogue avec un ami imaginaire). On pourrait me croire folle. Et quand je pense à mes amies et ma fille de qui je m’ennuie, j’ai parfois le vin triste… Je suis pas le genre à m’imposer.

 Je me concentre sur des petits riens qui meublent ma journée, petits moments de bonheur glanés ça et là : un déjeuner fait de crêpes maison, un 2e café fumant, un courriel du Capitaine, des cours de photo ou du temps passé à faire une mosaïque ou une toile, un bon film à la télé, une razzia chez Jean Coutu…

 J’ai fait le deuil d’une vie d’exaltation, d’une vie aux attentes irréalistes. L’heure avant l’heure c’est pas l’heure, l’heure après l’heure c’est pas l’heure; l’heure, c’est l’heure. Ce qui veut dire qu’il faut tenter de vivre le moment présent pour ce qu’il est, ni plus ni moins. Moi qui ne suis pas douée pour ça, ça égratigne des fois. Les gens voient les voyages du Capitaine et me font la réflexion que NOUS avons une vie excitante… Elle n’est hors du commun que parce que je vis avec le Capitaine. La mienne est si simple, ponctuée par un talent pour l’écriture qui me fait embellir le fond le plus banal.

 Le Capitaine est parti depuis 15 jours et je suis dans la phase d’ennui du Capitaine où je balance entre « shit, que c’est long! » et « vivre seule c’est super ! ». Le plus emmerdant c’est que je ne sais jamais combien de temps cette phase va durer. À chaque année, c’est une nouvelle adaptation mais ce n’est plus une épreuve, comme j’ai dit dans un article précédent. Juste une étape emmerdante.

 J’ai baptisé cette étape SDF : Pendant que le Capitaine est Sur Domicile Flottant, moi je suis présentement Sur Déprime Fugace, ce qui veut dire que ce n’est que temporaire, tout comme la neige qui tombe encore aujourd’hui. On a beau se dire que ça ne va pas durer, quand c’est là c’est drôlement chiant!

 Hâte de voir les Sacoches et ma fille, de les serrer dans mes bras, de rire non pas seule mais avec quelqu’un…

Femme de marin 2013-4: Rendez-vous doux

Il m’arrive parfois de m’enrager contre la technologie comme si nous ne pouvions plus rien faire sans. Je me rappelle avoir laissé une empreinte inoubliable au département de soutien informatique de l’université Laval lorsque j’avais lancé mon clavier sur le mur parce qu’il ne fonctionnait pas et qu’aucun technicien n’était là pour me dépanner (l’ordinateur s’était remis en marche par la suite!) ou d’avoir engueulé vertement un agent de soutien technique de Vidéotron parce que je n’arrivais pas à programmer la nouvelle manette de ma télévision et que je ne comprenais pas les instructions téléphoniques dudit agent.

 M’enfin, je ne suis pas toujours aussi exaspérée mais je dois avouer avoir moins de patience avec les objets qu’avec les gens (heureusement!). L’humoriste Michel Barrette fait un monologue particulièrement savoureux à cet effet où il raconte comment le quotidien se vivait dans son temps, bien avant la venue de la technologie. Il fallait se lever pour changer le poste de la télé, poster une lettre et attendre la réponse par courrier traditionnel et tout un tas de choses qui nous obligeaient à nous déplacer pour obtenir ce qu’on voulait. Dommage que je n’aie pas retrouvé la vidéo sur Internet. Je dois confesser que mon seuil de patience s’est abaissé avec les années. Alors qu’auparavant, nous étions habitués à patienter des jours avant d’obtenir une réponse quand on communiquait, aujourd’hui on s’impatiente si la personne ne nous a pas répondu dans les 5 minutes suivant l’envoi d’un texto ou d’un courriel. Je suis la première à manifester des signes d’impatience et à rager devant mon clavier ou mon cellulaire quand l’autre ne me répond pas ou que la communication coupe sur Skype.

 Nous sommes à l’ère des communications et pourtant, la dépression et le sentiment de solitude sont aussi en hausse. A l’époque où on n’avait d’autres choix que d’attendre une lettre quand tous les autres moyens de communication ne fonctionnaient pas, ou dans des temps plus reculés encore lorsque le messager était le seul lien avec votre interlocuteur, on ne pouvait faire autrement qu’entretenir l’imaginaire et la foi en l’espérance d’une réponse qui tardait parfois à venir. Quand je regarde un film où le téléphone n’existait même pas, je me demande comment les amants vivaient cet éloignement, l’absence de nouvelles. Je crois que pour diminuer l’angoisse, ils s’occupaient! S’activer dans l’attente.

 Si ce n’eut été de l’informatique, je n’aurais probablement jamais rencontré mon conjoint. Même si Internet apporte son lot d’inconvénients et qu’il n’est pas la solution à la solitude caractéristique de notre époque, il demeure que c’est un moyen d’échanges qui facilite les rapprochements lorsqu’un des deux conjoints est au loin. Il faut le voir comme ça. Comme je l’ai dit dans un article précédent, un couple c’est un projet en soi et ce projet ne doit pas être en suspens parce que l’autre n’est pas à un mètre de vous.  L’éloignement permet la différenciation. Ce n’est pas une fuite ni le déclin de l’amour. Il s’agit d’éloignement planifié et temporaire. Il y aura toujours un retour.

 C’est un art d’affronter le quotidien en couple mais seule, j’en conçois, mais le temps demeure notre meilleur allié à une époque où nous en manquons. Ça permet de mettre les priorités aux bonnes places. Il y a ces petits moments de bonheur, nos rendez-vous sur Skype, qui valent leur pesant d’or et même si c’est pour parler de tout et de rien, de notre quotidien mutuel durant quelques minutes (« qu’as-tu fait aujourd’hui? », « tu es en forme ? », « tu as bien dormi? », « je t’aime »), le fait d’être au rendez-vous à l’heure convenue (lorsque c’est possible) suffit à entretenir le sentiment amoureux entre nous.

 Ça me rappelle une histoire qu’une ancienne collègue, Véronique, m’avait contée bien avant que je rencontre le Capitaine. Elle disait que sa mère avait été mariée pendant 25 ans avec son deuxième mari et tous les jours durant ces 25 ans, il lui laissait, avant de partir au travail, des billets doux un peu partout dans la maison. Parfois, c’était des petits « post-it » collés quelque part ou un tendre mot dans son sac à lunch ou encore dans la poche de son manteau. Tous les jours… Et sa mère avait gardé dans une boîte tous ces mots comme des caresses qui embellissaient son quotidien et la confortaient dans les moments difficiles.

 Je me rappelle avoir été très impressionnée, l’avoir enviée, avoir désiré vivre moi aussi une relation aussi passionnée même si je n’avais plus grand foi dans une vie de couple durable.

 L’éloignement, une catastrophe, une épreuve? Ben non… J’ai, moi aussi, mes rendez-vous doux comme un fil d’Ariane qui me guide.

Femme de marin 2013-3: Dans les petits bateaux, les meilleurs onguents…

Ce qu’il y a d’ennuyeux dans l’amour, c’est que c’est un crime où l’on ne peut pas se passer d’un complice. (Charles Beaudelaire, Mon coeur mis à nu)

 Tu te lèves, traîne tes pantoufles dans toute la maison, tournes en rond. Tu vas te faire un café et pendant que tu attends le doux nectar qui va te remettre d’aplomb, tu regardes par la fenêtre la neige tomber. La ville dort encore sous un manteau blanc. L’ordinateur est ouvert et aucun message t’attend, pas plus que sur le répondeur téléphonique. Une autre année commence et il n’y a qu’un amoncellement de vaisselle sale qui attend d’être lavée. Méchant planning! Tu regardes le canal météo et c’est la merde pour la semaine à venir. Tu refermes la télé.

Tu remarches dans la maison, prends ton café au passage. Il est quelle heure déjà? Neuf heures et tout le monde dort encore. C’est normal, hier tout le monde tombait dans les bras de tout le monde pour se souhaiter bonne année et festoyer après avoir ri un bon coup devant le traditionnel Bye-bye. Tu viens de passer toutes les vacances des Fêtes seule parce que c’est ce que tu voulais. Tu venais de clairer un xième soupirant qui soupirait plus qu’il n’agissait. Tu lui as donné son bleu parce que tu en avais assez d’absorber ses mensonges. T’es une vraie éponge – déformation professionnelle, sans doute –  et cette fois-ci, tu as essoré tout ce qui se trouvait sur ton passage. C’est le cadeau de Noël que tu viens de te faire et la résolution que tu comptes tenir pour la nouvelle année. Tu es la maîtresse.  La bien-aimée aux heures convenues.  T’es comme un port où les marins accostent, font leur « pump out », se ravitaillent et repartent illico vers des cieux plus lumineux. Oui, je sais, t’avais dit plus jamais de cette assuétude molle, plus jamais d’attente à ne rien faire qu’attendre.

Merde, t’as plus de lait pour un autre café et tu devras sortir sous un froid sibérien. Shit!

Soupir et re-soupir. Allons voir quel idiot, à part toi, est connecté sur ce maudit réseau de contact sur lequel tu as réactivé ton abonnement. La veille, un ami t’a presque tordu le bras pour que tu te remettes en marche, non convaincue que c’est la bonne chose à faire pour une célibataire dans la quarantaine, intelligente mais qui souffre de myopie affective.  Tu viens de te débarrasser de ce statut de maîtresse.  Tu devrais en être soulagée.  Pourtant, tu as si froid, seule.  T’as froid aux yeux… Ton ami a raison : tu dois reprendre la mer. Holly shit!

Tu t’affales devant l’ordi, fixe le curseur qui clignote à intervalles réguliers. La souris est impatiente mais tu la fais languir. Ton estomac crie famine. Tu retournes à la cuisine et ouvres le frigo. Pas grand-chose à se mettre sous la dent. Le pain commence à moisir. Faudra le jeter. Manque de courage. Retour à l’ordi comme on va à l’échafaud. Rafraîchir la page. Seules quelques âmes esseulées font leur apparition. Tu ne connais personne sauf peut-être un type dont tu retournes voir la fiche. Ça te dit vaguement quelque chose. Vous ne vous seriez pas parlé quelques fois l’an passé? Ta mémoire fait des « free games ». Active-toi un peu! Tu lui lances un « Tu dois pas te rappeler de moi mais bonne année quand même! » Une bouteille à la mer comme un S.O.S…

Retour au frigo sans grande conviction. Profonde réflexion existentielle sur la composition d’un déjeuner acceptable. Un bagel te tend les bras. Une brassée de lavage serait la bienvenue. Retour à l’ordi, un bagel dégoulinant de beurre de peanuts qui te tache les doigts. You’ve got mail!

Le type se rappelle bien de toi et te remémore des bouts de discussion dont tu n’as aucun souvenir. Eh bien… Retour à la fiche pour revoir la photo et relire le texte, histoire de sortir d’un coma éthylique solitaire en espérant qu’un brin d’intelligence va remonter à la surface. Tu tentes d’assembler les mots pour former des phrases cohérentes et intéressantes. Au deuxième message, il te donne son numéro de téléphone. Tu passes proche de l’envoyer paître, histoire qu’il ne s’imagine pas que tu es là à attendre le Messie, un filet de bave sur le menton. Mais tu te ravises et tu écris que s’il est vraiment intéressé, il va se plier au dur exercice de la correspondance pendant un  petit moment. Il te répond en te disant qu’il a pensé dans un premier temps t’envoyer te faire foutre mais que, tout bien considéré, c’est pas une si mauvaise idée que ça! Bon, celui-là il dit au moins ce qu’il pense. Ça augure bien.

Quelques jours plus tard, tu as consenti à l’appeler – conversations intéressantes qui vident la batterie de ton téléphone. Après deux semaines, vous êtes allés bruncher un samedi « moinstrentedeuzien » dans un restaurant qui manquait de chauffage. Le type n’avait rien de ce qui t’attirait normalement chez un homme mais la voix était chaude, l’écoute intense, le rire sincère et il avait ce petit geste qui t’émouvait : quand tu parlais, il passait doucement son doigt sur sa lèvre, micro-caresse qui laissait présager quelque chose d’invitant. Tu t’es dit : « Celui-là, regarde-le avec les yeux du cœur ».

Il a tout de suite mis la table, a dit qu’il allait partir, c’est sûr, un projet de retraite où il allait naviguer jusqu’en Turquie. Tu as failli lui dire : « Bien contente de t’avoir connu » mais quelque chose t’en a empêché. Au contraire des autres qui finissaient toujours par conjuguer le mot rester au passé, celui-là te parlait de départ mais tu sentais dans ses yeux qu’il voulait faire de toi son port d’attache.

Tu lui as réservé la meilleure place, un port avec un seul quai, un bail à vie. Une façon différente d’aimer.

C’était il y a 10 ans. C’est comme ça que j’ai connu le Capitaine.

Femme de marin 2013-2: Chéri, parle-moi…

Serge discute avec moi sur Skype. Il me dit qu’il a installé un genre de tablette entre l’escalier qui va au carré et le lavabo pour y mettre les lunettes d’approche. Il voulait installer également des tablettes qu’il avait faites pour l’imprimante et les feuilles mais ça ne fonctionne pas. Il va voir demain comment il peut réaménager le tout lorsqu’il va déménager les choses dans la cabine avant.

J’envie ses préoccupations. Elles sont simples, exemptes de réel stress, du moins très différentes du stress que je vis à mon travail. J’ai hâte d’être rendue là.

J’ai 3 priorités d’ici mon départ pour les vacances: recueillir et préparer toute la documentation pour la Commission des études, inscrire tous les étudiants étrangers éligibles au baccalauréat (et il y en a de plus en plus!)  et enclencher le processus de planification des cours de tous les cycles et l’horaire de l’hiver 2014. Grande fatigue et impossibilité d’avoir de l’aide au bureau. Personne n’entend vraiment, on dirait…

On dit que lorsqu’un des conjoints est loin, il faut continuer à parler du quotidien ensemble pour maintenir le contact et le lien. L’autre doit sentir qu’il demeure dans les préoccupations quotidiennes de l’autre et n’en est ni exclus, ni protégé. Mais ça me déchire toujours un peu de parler de mes soucis  car je ne veux pas l’emmerder avec ça et augmenter ses inquiétudes (je sais qu’il se sent impuissant) mais en même temps, je ne veux pas non plus lui mentir et mettre les choses rose bonbon lorsqu’elles ont une toute autre couleur!

Lorsque je lui fais part de mes réticences, le Capitaine a alors une réponse tout à fait mignonne : « Pas grave, je me sens impuissant tout le temps! ». Je lui rétorque, guillerette, (sa réponse tout à fait inattendue m’a fait rire) que ça explique pourquoi il est toujours enragé!

Je vis avec un paradoxe sur deux pattes! Mon chum, le gars aux allures de « tough », celui qui aime être en contrôle de tout, pompe l’huile quand il ne peut pas l’avoir et vit alors de l’impuissance à changer ou améliorer les choses. Quand je vous disais « Le monde selon Serge… ».

Normal qu’il n’ait pas voulu d’une « Germaine » dans sa vie. Mais (juste pour en rajouter un peu) je dis toujours que toute l’intelligence d’une femme réside dans son habileté à faire croire à son chéri qu’il a la main mise (ce qui n’est rien pour diminuer le sentiment d’impuissance d’un homme lorsqu’il en prend conscience… mais ça, c’est une autre histoire!).

L’empathie n’est pas toujours au rendez-vous dans nos conversations mais la beauté de s’en être parlé n’est pas d’avoir réglé quoi que ce soit (aucun de nous deux a changé en 10 minutes) mais ça a tout simplement fait en sorte de détendre l’atmosphère, d’alléger le stress et d’être plus indulgent avec l’autre et soi-même…

La fin de ma journée s’annonce mieux que ce qu’elle a commencé, somme toute 🙂

Femme de marin 2013-1: Petit traité d’un couple réussi

La solitude est très belle… quand on a près de soi quelqu’un à qui le dire (Gustavo Adolfo Becquer)

Départ: année 6. Il y a encore du monde qui me demande si je trouve ça dur. La traversée la plus difficile n’est pas celle que le Capitaine fait seul sur son bateau, mais quand il est là et que nos idées et nos manières différentes de voir se confrontent. Sur le bateau de notre vie de couple, les vagues sont toujours plus fortes lorsqu’il est à quai, lorsque la vie nous confronte à «l’idéal » de l’autre.

Je dois l’avouer : il me fait suer… Je passe parfois une bonne partie de mon temps à m’enrager contre lui, à me désespérer de sa façon de penser. Je rue dans les brancards quand il se met à chialer et qu’il tire aux flancs sur tout ce qui bouge. Dans ce temps-là, personne n’y échappe et parfois ses idées préconçues sont grosses comme des buildings qui résistent à la mise à l’épreuve. C’est moi qui suis éprouvée. Il a le verbe facile, la langue bien pendue et une tendance agaçante à mettre tout le monde dans le même panier. Il aimerait que je voie les choses comme lui, ce que j’ai baptisé affectueusement « le monde selon Serge » (pour parodier le film « Le monde selon Garp » – ça nous fait rire), car ainsi la vie serait tellement plus simple et facile. Garp voulait transformer le monde en un lieu sûr, protéger les autres des périls de la vie, peut-être parce que le pire est toujours possible et l’avenir différent de ce qu’on espérait.

Qui peut lui reprocher? Il n’a pas toujours tort mais c’est dans la facture que ça grinche parfois. Et pourtant, je considère qu’on est un couple réussi…

Lors d’une récente étude, 64 % des Québécois considéraient que la réussite d’un couple repose d’abord sur ses affinités psychologiques, les affinités sexuelles ne totalisant que 8 % (ce qui explique pourquoi bien des couples demeurent ensemble malgré les difficultés sexuelles vécues avec l’âge). Les affinités psychologiques c’est un ensemble de dimensions : les valeurs fondamentales, la complicité (cette courroie de transmission qui est propre au couple selon la définition qu’en fait la sexologue Jocelyne Robert), et la capacité de se mobiliser autour de projets communs.

Mais c’est aussi ce que l’auteur François Lefebvre (Couple en crise. De la désillusion à la découverte) définit ainsi : « C’est peut-être une vie où les conjoints arrivent à traverser des moments difficiles, tout en restant ensemble. A condition, bien sûr, que ces « moments difficiles » soient reconnus, puis résolus ». On peut donc être à l’autre bout du monde et former néanmoins un couple. Et pourtant, tant de gens me posent encore la question de la difficulté de séparation.

Pour mieux vivre à deux, il faut aussi savoir vivre seul, une vie à soi, une vie individuelle et forte… la plus dure, en somme! Doit s’installer alors la capacité de dialogue intérieur. L’éloignement ne doit pas nous rendre myope affectivement.

Vivre avec le Capitaine, ça vous « shake le pom pom ». Je ne prétends pas avoir la recette idéale. Je sais juste que rien n’est ennuyant avec lui et que les moments de calme lorsqu’il est au loin me sont nécessaires. Peut-être que ça brasse plus lorsqu’il est au loin.

Parti depuis hier… il me manque déjà…

P.S. Viens tout juste de recevoir un Spot de lui: il est arrivé à Préveza (Grèce). Ca fait chaud au coeur 🙂