Chronique 2012-27 du Capitaine: Sarandë (Albanie)

Nous sommes lundi 9 juillet, je suis en route pour… ok pour le moment c’est Ormos Ammou sur l’île grecque d’Orthoni, mais lorsque je suis parti ce matin, ma destination était Ciro soit un peu moins de 20 milles au Nord de Crotone. J’ai ensuite penché pour aller directement à Santa Maria di Leuca, et puis je me suis dit pourquoi pas, je m’en vais en Grèce! Ça me travaillait depuis quelque temps, mais je n’étais pas encore décidé, je n’ai pas à bord de guide nautique de la Grèce, mais Mado m’en a envoyé des photocopies d’endroits qui me permettraient d’aller rejoindre le voilier Madyca. Oui, j’ai parlé sur Skype avec Vanessa, la conjointe de Jean-Louis qui navigue dans ce coin-là présentement. Pour ceux qui ne savent pas, ma première rencontre avec Madyca c’était à Saida au Maroc à l’hiver 2009.

L’endroit (i.e. Grèce) semble idéal pour la voile et la baignade et en plus je pourrais probablement y laisser Nomade pour l’hiver. Il y a un aéroport pas loin et c’est quand même un bon endroit pour repartir le printemps prochain et remonter l’Adriatique. Seule anicroche : mise à part le guide, je dois avoir une attestation d’assurance en anglais et j’en ai deux : une en français et une en Italien. J’ai fait la demande en fin de semaine dernière et j’espère bien la recevoir en arrivant.

Ah oui, je disais pour le moment c’est Ormos Ammou, mais il y a aussi l’Albanie qui me chicotte, et une fois à Ormos Ammou il n’y aurait plus que 30 milles qui me séparerait de Sarandë en Albanie et depuis que je veux aller y jeter un coup d’œil, je vais probablement y faire un saut avant de passer aux douanes grecques à Corfu. De cette façon, en plus je mettrais mon compteur à zéro pour ce qui est des pays du Schengen car je ne peux pas demeurer plus de 18 mois dans l’espace européen sans devoir payer des taxes d’importation du bateau. De cette façon, je me laisse plus de jeu.

Autre petit problème : je vais devoir m’acheter une nouvelle clé 3G pour Internet à moins que le Wifi soit miraculeux, ce que je doute, et un cellulaire grec. Là, je commence à avoir une belle collection 

La nuit a plus tôt bien été, mise à part l’humidité. La dernière fois que j’ai vu autant d’humidité c’était sur les bancs de Terre-Neuve en 2008. Cette nuit, l’eau dégoûtait sur moi du dodger et du bimini, mais j’ai quand même réussi à bien dormir par coup de 15 minutes cette fois ci. Donc une bonne nuit de sommeil et l’arrivée à l’île d’Orthoni à 8h00 du matin. Cet endroit est reconnu comme une place pour les voiliers pour s’arrêter et donner une chance à l’équipage de se reposer avant de continuer pour Corfu où les papiers d’entrée sont normalement faits. Mais, je ne suis pas fatigué, qu’est-ce que je fais? Après avoir fait le tour de la baie, je me dis que je n’ai rien à faire ici, je m’en vais à Sarandë en Albanie et lorsque je partirai de Sarandë ce sera pour Corfu. Me voilà à environ 2 heures 30 minutes de Sarandë, mer calme et la chaleur est revenue.

Il ni a pas de Marina ici, mais je m’en y attendais. La réception fut très cordiale et vu qu’ici à Sarandë on doit passer par un agent pour faire les douanes et autres papiers, j’ai eu la chance de faire affaire avec celui que l’on m’avait recommandé, Agim Zholi, que j’avais essayé de contacter 2 heures avant mon arrivée, mais il semble que je ne puisse faire d’appel interurbain de mon téléphone maintenant que j’ai quitté la Sicile. Un autre téléphone? On verra si ce n’est pas cette année ce sera l’an prochain j’imagine.
Cinquante euros pour l’agent, pas mal cher mais j’avais lu 60. Soyons positif! Dix euros sauvés incluant le port pour ce soir. Ensuite, ce sera 10 euros par jour, l’eau et l’électricité incluses, par contre j’ai dû me faire une connexion car leur boîte électrique est différente de ce que J’ai rencontré à date, mais pas de douche et autre plaisantes petites choses. Quand même pas pire pour un pays que la plupart des gens semblent fuir comme la peste. J’ai déjà fait des arrangements pour une visite de Butrint en auto demain, J’aurais aussi pu le faire en autobus, mais je voulais l’opportunité de pouvoir jaser avec le chauffeur et apprendre à connaître un peu l’Albanie. Quelques restaurants m’ont été recommandés. J’oubliais, il y a le Wifi gratuit et ça fonctionne du bateau, mais ça c’est par l’agent. J’ai bien hâte d’aller visiter, je pense demeurer ici quelques jours avant de repartir pour la Grèce.

Première impression de Sarandë : port commercial mais propre et pour les traversiers, non pour les navires de marchandise, À l’exception de deux bars sur les plages en arrivant qui ont du disco à tue-tête mais qu’une fois dans le port on n’entend plus, c’est assez calme.

Une ville de béton avec plein de blocs appartements de 5-15 étages, mais aussi beaucoup de constructions commencées et arrêtées. La crise les a frappés ici aussi. Les gens ne sont pas riches, ça se voit, mais semblent très gentils. Je me suis fait recommander un restaurant « typiquement albanais », je vous en redonne des nouvelles. Ici ce n’est pas l’euro mais la Leke, pas certain pour le taux de change mais on verra bien. Nous sommes 4 voiliers dans le port, 3 Italiens et moi.

J’arrive de souper, excellent et pas cher, vraiment pas cher. Je le recommanderais n’importe quand. Le Wifi est trop faible à l’intérieur du bateau, je vais devoir sortir pour me connecter mais il y a des MARINGOUINS dehors. Je vais m’arroser d’anti-moustiques, on verra bien.

Demain, 8 heures visite en auto de Butrint (ancienne ville et théâtre du IV et III siècle avant Jésus-Christ). J’ai un chauffeur qui me coûte 30 euros pour la visite.

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Chronique 2012-4 du Capitaine: De la mise à l’eau aux Iles Pélagies

DE LA MISE À L’EAU AUX ILES PELAGIES

Maintenant que le bateau est à l’eau, je dois le préparer pour prendre la mer. J’ai retiré tout le matériel autour des endroits où l’eau pourrait s’infiltrer. J’aime bien attendre 24 heures une fois à l’eau pour m’assurer de l’étanchéité; ce n’est pas en mer que l’on veut découvrir que l’eau entre dans le bateau. Puis, je m’occupe de la voilure, je commence avec le génois (voile avant), je prépare la drisse (pour hisser la voile), les écoutes (pour l’ajuster), j’amène la voile sur le pont, je l’attache à la drisse et je commence à la hisser. Merde! Le pare-soleil (sorte de toile cousue sur une partie du génois pour le protéger du soleil lorsqu’il est enroulé) est en partie décousu. Comment ai-je pu ne pas le remarquer  lorsque j’ai enlevé  la voile lors du remisage? Après énumération de toutes les composantes de l’église et de leurs saints (question de pratiquer ma mémoire), je me rends compte qu’il n’y a rien à faire car les coutures ne se feront pas toutes seules. Moi qui, normalement, préfère jeter mes chemises plutôt que les raccommoder, je dois coudre le c…. de bouton! Je sors mon ensemble de réparation pour voile et je me mets à la tâche. Après plus de 3 heures, voilà le principal complété. J’ose espérer que ça tiendra l’été; je ferai faire une révision complète lors du remisage à la fin de l’été.

Le téléphone sonne, ce sont mes copains Denise et Robert d’Eccentricity, des gens qui ont traversé l’Atlantique en même temps que moi en 2008, ils sont à Hammamet, un port à une trentaine de milles au nord d’où je me trouve. Ils sont venus me dire bonjour avant mon départ. Avec leur aide, je finis de hisser le génois, ensuite on s’organise un apéro et nous partons prendre une bouchée.

Le monde est petit! J’ai quand même croisé plusieurs voiliers de la flottille avec laquelle j’avais traversé. Le premier, Magibour III (Ghislaine et Marcel) de bons amis à moi que j’ai rencontrés pour la première fois à Povoa de Varzim au Portugal, suivi de Saidia au Maroc et en fin d’été à Cap Monastir à 20 milles au sud d’El Kantaoui. Ensuite, il y a La Santé que j’ai vu à Port Napoléon dans le sud de la France, puis Arduen (Bruno) que j’ai rencontré avec Mado à Marseille et recroisé à Ajaccio en Corse, sans oublier Sonora IV (Alain), ici même à  El Kantaoui.

En après-midi, j’installe une barre d’appui à la table du cockpit qui sera d’une grande utilité et sécurité pour descendre et remonter du carré. Ensuite, j’ai décidé de changer l’endroit où est remisé le canot de survie. Je dois boucher les trous faits originellement et en percer de nouveau et m’assurer que le tout est bien étanche. Maintenant la grand voile, ce qui seul, me prend une bonne demi-journée. Ceci comprend l’installation du lazy-bag, des 3 prises de ris automatiques et de la drisse, sans oublier la voile elle-même. Je monte au mât pour une inspection visuelle, je hisse les drapeaux, canadien à l’arrière, tunisien suivi du Québec sous la barre de flèche tribord et je prépare celui de la quarantaine qui sera hissé lorsque j’entrerai dans les eaux italiennes pour aviser les douanes de mon arrivée,  puis je fais le plein d’eau fraîche et de diesel.

Mon copain Svein arrive. On laisse ses bagages au bateau et nous allons souper et jaser de tout et de rien mais aussi de météo. Je lui indique que la météo  n’est pas idéale pour aller à Lampedusa car nous aurons le vent dans le nez tout le trajet avec plus de 20-25 nœuds en après-midi et en soirée, avant de descendre de 10-15 nœuds pour la nuit. Ce n’est pas la fin du monde mais on aurait espéré un meilleur temps pour notre première traversée de la saison. Jeudi matin, re-vérification de la météo : aucun changement et cela pour les 5 jours à venir.  Je vérifie la météo de 4 sources différentes : toutes semblables. Nous décidons donc de partir.

Déjeuner, épicerie, douches et là, commence la paperasse. Je  me présente comme indiqué par la marina à la police de la frontière qui me retourne à mon point de départ soit la marina. Ensuite viennent les douanes, puis la police de la frontière et pour ce qui est de la garde nationale, nous apprenons par téléphone que nous ne sommes pas obligés de nous y présenter.

Nous avons enfin le OK pour partir. Il est 13h15, moteur seulement car nous allons plutôt combattre le vent au lieu de s’en servir. Vingt-trois nœuds de vent directement dans le nez, de bonnes vagues qui lavent le pont continuellement! Merci au dodger qui nous protège quand même plutôt bien des vagues, mais pas de tous les embruns. Mais nous savons que dans une à deux heures, lorsque nous aurons atteint de meilleures profondeurs, les vagues seront un peu plus clémentes sans oublier qu’en soirée le vent diminuera.

Nous avons 120 milles à faire. À la nuit tombante, les chalutiers commencent à emplir l’horizon. Il  y en a beaucoup et ça c’est pire que le vent car nous devons garder une vigilance constante sur leurs déplacements. Par 5 fois durant la nuit on aura besoin de changer notre course pour les éviter et impossible de voir les filets derrière eux, donc à chaque fois il nous faut faire un bon détour avant de reprendre notre route.

Vers 1h30,  je réveille Svein car les dauphins s’amusent avec nous. Ils tournent, chantent, plongent, partent, reviennent, il y en a beaucoup tout autour du voilier et le spectacle dure 20 minutes puis ils repartent. Vers 6 heures du matin ils reviennent. Il y en a vraiment beaucoup, une centaine au moins selon nos estimations. Je n’ai jamais vu autant de dauphins de ma vie, le spectacle est féérique! Sur notre bâbord, on laisse Lampione, la première île du groupe Pélagies, cette île n’est pas habitée. Quelques temps plus tard, nous apercevrons Lampedusa, notre première destination du voyage.

Il est 10h50 et le drapeau de la quarantaine est à poste. Nous tournons en rond dans le port, cherchant le meilleur endroit pour accoster et remplir la paperasse. Nous nous accostons en avant d’un catamaran. Nous devons ajuster l’heure à une heure de plus. Maintenant, nous sommes à l’heure européenne, soit 11h50, six heures de plus qu’au Québec. Aussitôt amarrés nous nous occupons des papiers; encore de la paperasse! En premier, la Guardian Costiera : ils me disent que je devrai les revoir à Syracuse. Par la suite, je dois me rendre voir les Carabinieri pour le passeport. Théoriquement, nous ne devrions plus avoir à faire voir notre passeport à l’exception de Malte car malgré le fait qu’il soit dans l’union européenne depuis 2008, les officiels de Malte demande encore aux gens de la mer de passer les voir pour faire les formalités d’entrée.

LES ILES PELAGIES

Nous voici maintenant arrivés à Lampedusa, l’île la plus au sud de l’Italie, avec environ 4,000 habitants qui vivent de la pêche et du tourisme. Nous ne les avons pas comptés mais nous avons vu au moins une trentaine de restaurants et bars. À l’exception de quelques petits bars, tout ferme entre 13h00 et 17h00. Passé 17h00, le ‘centre-ville’ reprend vie et on se marche presque sur les pieds. Comment cela doit-il être en saison touristique? Il n’y a pas grand-chose à voir, mais l’eau limpide est d’une clarté splendide. On y fait de la plongée, il y a aussi un aéroport qui sert autant pour la population civile que militaire. Il faut dire qu’ils reçoivent leur lot de réfugiés, surtout libyens. Après quelques bières et un bon souper on retourne au bateau. Demain, départ pour Linosa, dernière île des Pélagies.

Il est 9h25 et nous lâchons les amarres en direction de Linosa. La mer est plus tôt calme et la visibilité assez limitée. Nous apercevrons l’île qu’une fois à moins de 5 milles de la côte. Pas facile de se retrouver car nos cartes ne sont pas exactes. J’imagine qu’en ce qui a trait à la navigation, il  n’y a pas grand monde qui s’y arrête à l’exception des pêcheurs de cette île. Nous devons parcourir la côte d’est en ouest à la recherche d’un endroit pour laisser le voilier en sécurité. Finalement, entre les roches nous trouvons l’ouverture. Une chance que la houle n’est pas trop forte car je n’aime déjà pas me glisser dans un trou comme ça sans savoir ce qui m’attend de l’autre côté. Une fois à l’intérieur, tout est calme mais très petit. Le  guide mentionnait des bateaux de 10 mètres maximum; on pourrait y glisser un 12 mètres mais pas plus. Ici, rien, pas de douches, d’électricité ni d’eau potable au quai. Aucune paperasse à faire, personne qui vient nous voir. On part visiter l’île. Ici il y a plein d’autos et on n’y comprend rien car on a réussi à faire le tour de l’île à pied en une heure environ et il n’y a aucune station d’essence, mais les gens s’arrangent. Nous mangeons chez Anna’s Pizzeria, c’est bien et les gens sont très gentils. Par contre, ils ne prennent pas les cartes bancaires et je n’ai que des 50 euros sur moi et ils n’ont pas de change. Pas grave, disent-ils, vous viendrez payer plus tard! Ce que je ferai après avoir passé au guichet de la poste, le seul de l’endroit. La population est seulement de 400 habitants.

Comme nous décidons de partir vers minuit, on va prendre le temps de dormir quelques heures. À minuit le vent souffle encore trop fort et je décide de remettre le réveil pour 4h00. À ce moment-là, le vent souffle encore plus fort et vu la distance qui nous sépare de Malte, nous reportons notre départ pour 14 :00 dans l’après-midi. À 14h05, le vent est tombé et nous pouvons sortir de notre enclos de façon sécuritaire. Le moteur est mis en marche et glisse doucement hors du port, cap 82 degré Mgarr sur l’île de Gozo à Malte. Le vent reprendra en soirée et pour une autre fois, nous l’aurons dans le nez, ce qui veut dire qu’on sera encore au moteur. Nous devons enfiler plusieurs couches de linge car la nuit est froide.

La mer se calme aux approches de Malte. Nous devons ralentir car je veux rentrer dans la marina vers 6h30 avec la clarté du jour. À 6h00 j’appelle la marina sur la radio pour leur demander la permission d’entrer. On nous explique que quelqu’un va nous attendre au bout d’un quai en attendant que les douaniers viennent nous voir. Ensuite, on nous assignera une place permanente. Eh oui, nous avons déjà fait notre entrée dans l’union européenne mais Malte, malgré son adhérence à l’union, oblige encore les procédures douanières pour les gens arrivant par la mer. Nous sommes donc assis. Svein dort depuis 1h30 et nous attendons ces messieurs de la douane.

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