« Si la volupté de l’amour est de ne plus s’appartenir, la volupté du Moi est de ne jamais s’abandonner »
Qu’avaient en commun Juliette Drouet et Victor Hugo, Héloïse et Abelard, Musset et George Sand, Gala et Eluard, Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir? Et plus récemment, Jacques Dutronc et Françoise Hardy, de même que Michèle Annie Potier et Serge Lama? Ils formaient des couples qui ne vivaient pas ensemble.
D’après des statistiques récentes, 3 millions de couples mariés aux États-Unis ne vivent pas ensemble [i], tandis que près de 4 millions de couples de Français ne vivent pas sous le même toit [ii]. Quant aux Canadiens, le nombre de couples qui ne vivent pas ensemble diminuerait depuis 2001, et environ 5 % des couples québécois choisissent, à long terme, de ne pas vivre sous le même toit.
J’ai déjà parlé dans mes chroniques des relations à distance mais j’aimerais y revenir car de toutes les lectures et recherches que j’ai faites, le seul cas de figure s’apparentant au mien est celui des femmes de marins (marine marchande et militaire) qui doivent assumer les responsabilités familiales lorsque le conjoint est au loin pour son travail (Il y a peut-être d’autres cas de figure mais je ne les ai pas trouvés sur le Net). Personnellement, je ne connais qu’un couple dont le conjoint a décidé de partir avec son voilier durant 3 ans et ce n’était certes pas dans les mêmes conditions psychologiques que les nôtres. Alors qu’il était clair et accepté dès le départ de notre relation que le Capitaine partirait 4 à 5 mois par an naviguer au loin à sa retraite, le couple en question a dû vivre cette adaptation dans le désaccord, après 30 ans de vie commune. Pour avoir discuté avec la conjointe, celle-ci n’envisageait pas du tout cette avenue et vivait difficilement le choix de son époux de partir au loin. Il lui a fallu beaucoup de temps pour vivre cette situation avec une certaine sérénité. J’imagine aisément que lorsqu’un couple vit ensemble depuis longtemps, les projets de retraite s’envisagent ensemble et non séparément. Ça doit être tout un choc lorsque l’autre met en application un projet malgré notre désaccord. Ça doit aussi être insécurisant quant à l’avenir qu’aura son couple.
Malgré le fait que j’aie retrouvé peu de correspondance dans les écrits avec mon vécu personnel, il y a par contre certaines indications qui sont similaires.
D’abord, vivre un couple dans la distance demande une grande maturité affective. Dans un article de la journaliste Katia Mayrand [iii], paru dans Coup de Pouce, la psychologue Micheline Dubé dit ceci : « Quand on n’habite pas avec son conjoint, il faut avoir une grande confiance en soi et en l’autre, encore plus que si on vit ensemble. Le fait de ne pas avoir l’autre à l’œil et de ne pas le voir tous les jours peut créer un grand sentiment d’insécurité. C’est essentiel d’avoir une communication franche et honnête et d’être capable de laisser l’autre exister, tout en partageant des bouts de vie ». Mais pour avoir été trompée dans le passé par des hommes avec qui je vivais 365 jours par année, je sais que la cohabitation quotidienne peut créer un faux sentiment de sécurité…
À mon avis, ce n’est pas tant ce sentiment qui est garant de la durabilité d’un couple mais plutôt d’un ingrédient essentiel qui est l’engagement et qui, à long terme, se traduit par l’envie de faire des efforts constants pour maintenir la relation. En d’autres mots, LA question n’est pas de savoir si j’aime toujours et encore le partenaire que j’ai choisi autrefois, mais plutôt de savoir si je veux que ça marche ou pas!! Et si on veut que notre relation fonctionne, nous allons devoir nous faire mutuellement confiance.
D’autres parleront d’intimité qui, à mon avis, ne se construit pas tant dans le sentiment de proximité physique que dans la conviction profonde qu’on est connecté avec l’être aimé, connexion qui va au-delà des frontières.
Bien sûr, si je choisis de vivre une relation à distance, je choisis un partenaire qui répond à ce critère relationnel et pour qui la qualité de relation est importante, d’autant plus que la distance sera un test pour savoir si ça passera ou ça cassera. Très tôt, nous avions des commentaires de notre entourage qui nous décrivait comme un couple dont l’intimité était surprenante pour deux personnes qui venaient à peine de commencer leurs fréquentations. C’est d’ailleurs une des choses qui me sécurisent le plus chez le Capitaine : sa constance et sa fiabilité, peu importent les aléas de la vie. Le chéri est bien ancré dans mon coeur!
Toute relation amoureuse parle deux langues : celle de l’engagement et celle de la libre disposition de soi [iv]. Même si on est moins porté à sentir la lourdeur du quotidien lorsqu’on vit seul, paradoxalement il faut avoir la certitude de faire partie de la routine de l’autre, d’où l’importance de trouver des moyens d’échanges et de communications afin de réduire la distance physique qui nous sépare. Dans les échanges quotidiens, il faut pouvoir parler de ce qu’on vit, de ses petits bonheurs comme ses petits malheurs. Être engagé dans une relation c’est être présent pour le partenaire; demeurer positif, certes, mais si je ne requiers jamais son opinion, ses suggestions et solutions dans ce que je vis, il va réaliser en bout de ligne que je n’ai pas besoin de lui.
Une étude internationale [v] contredit l’adage populaire « Loin des yeux, loin du cœur ». En d’autres mots, l’étude révèle que, contrairement à ce qu’on pourrait croire, les relations de couple à distance apporteraient autant, voire davantage, de satisfaction et de communication que dans les relations impliquant la proximité géographique des partenaires. On constate que plus d’efforts sont mis dans l’intimité et la communication, domaines souvent négligés par les couples qui vivent toujours ensemble. Comme on dit : l’éloignement entretient la flamme.
Mais il n’y a pas que des avantages dans la relation à distance. Quand on aime profondément son partenaire, l’absence est pesante et les coups de blues de même que le doute s’installent parfois bien confortablement sans avoir été invités au préalable. Nul doute que le manque et la distance exacerbent les sentiments. Une relation à distance est d’autant plus difficile qu’elle nous met à l’épreuve, mais pour avoir vécu 5 vies de couple avant la présente avec le Capitaine (eh oui!!), je sais qu’il est des épreuves bien pires que la distance physique dans un couple!
Je sais, pour avoir reçu les commentaires de nombreuses personnes autour de moi, qu’une relation à distance fait très peur et que beaucoup se disent incapables de vivre et d’accepter une telle situation, mais une relation à distance n’est pas si différente d’une relation ordinaire, quand on y pense. Toute relation demande une certaine somme d’efforts, de la communication, des compromis, de la patience, de l’empathie.
Être dans la distance permet cependant de redéfinir le lien amoureux, de questionner notre désir d’être avec l’autre, la façon dont on pallie aux manques et la signification de ce que l’autre représente dans notre vie (le pourquoi on l’a choisi). Ce qui est à souhaiter c’est que ces questionnements ne soient pas uniquement présents que dans ce type de relations.
[i] Alberganti, Michel. Les relations à distance favorisent l’intimité dans le couple. www.slate.fr.19-07-2013.
[ii] Solignac, Morgane, Couples qui ne vivent pas ensemble : un phénomène de société? Www.plurielles.fr, 28-07-10.
[iii] Mayrand, Katia. Chacun chez soi! Revue Coup de pouce, 21-10-2008.
[iv] Bruckner, Pascal. Le paradoxe amoureux. Posté par Simone Manon le 6 février 2010 sur www.philolog.fr.
[v]L. Crystal Jiang, Jeffrey T. Hancock. Absence Makes the Communication Grow Fonder: Geographic Separation, Interpersonal Media, and Intimacy in Dating Relationships. Journal of Communication, 2013; 63 (3): 556 DOI: 10.1111/jcom.12029
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