Femme de marin 2013-30: Une main, c’est tout!

Hier, ils annonçaient de la pluie. Au lieu de ça, on a eu de gros vents toute la journée. On se serait cru en Gaspésie, les jours de gros temps. On a passé la soirée dans la cabine à écouter une partie de la dernière saison de Sons of Anarchy sur l’ordinateur, moi avec une veste sur le dos et des bas dans les pieds. Serge qui est moins frileux que moi a fini par mettre une petite laine, lui aussi. La cabine était passée de 35 degrés à 21. C’est bien comme température habituellement, mais compte tenu des chaleurs que nous avons vécues et des gros vents qui torchaient la marina, c’était pas chaud pour les grelots. On se les gelait, comme on dit.

Par contre, ce matin, je vais beaucoup mieux. Je ne ressens plus aucune douleur et c’est dû aux médicaments mais aussi probablement au toucher thérapeutique à distance de ma chère Lili. Le beau temps ensoleillé est revenu avec des températures beaucoup plus fraîches, ce qui fait énormément de bien.

Lavage du linge sur le bateau, façon lavandière. J’aime bien cette tâche, ça vous entretient les muscles des bras. Aujourd’hui, on ira se promener. La plage du Lido attendra un autre jour, celui-ci étant trop frais pour se saucer les orteils dans l’Adriatique. Pour ma part, j’éviterai de m’y retremper les foufounes d’ici le départ, question de mettre toutes les chances de mon côté. J’ai évité de me retrouver en situation de comparer le système de santé avec le nôtre, et je ne m’en plaindrai pas. Ça n’a pas manqué à ma culture!

Donc, hier soir, on écoutait Sons of Anarchy. C’est l’histoire d’une gang de motards, vraiment calquée sur le réel. Les critiques ont dit que c’était comme un Macbeth : la tragédie dans sa plus pure expression. Eux, il leur en arrive des affaires, ils n’ont pas une vie reposante. Ça n’arrête jamais. On est dans la 5e saison et c’est un build-up à chacune. Dans celle-ci, toute la vie que la matriarche Gemma s’était construite est en train de s’écrouler et elle use de manigances pour patcher ce qui reste, pour ne pas sombrer dans le néant.

Par la suite, on a une discussion. Je me demande si elle se rend vraiment compte que toute sa vie a été un mensonge. Je me questionne sur sa sincérité à vouloir réparer. Serge dit que beaucoup de gens font ça. C’est surtout eux-mêmes qu’ils trompent avant tout. On pense être libre mais on s’acharne à garder intacte la prison qu’on a construite autour de soi. Le travail est d’autant plus pénible que les murs ont été hauts à ériger. C’est quoi la liberté au fond? Les « gros bras », c’est souvent pas ceux qu’on avait imaginés. C’est dur de vivre selon ses principes, mais c’est encore plus dur de les confronter.

Le Capitaine a toujours les yeux sur l’horizon. Il questionne sans cesse le vent, les nuages, les marées… à sa façon. Mais il ne niaise pas longtemps avec la « puck ». A 60 ans, il est toujours aussi fougueux, vrai, solide. Ce que je peux l’aimer, celui-là!

Parfois, les portes claquent, c’est comme ça. Ça arrive parce que ça doit arriver. Les idéaux qui s’entrechoquent. Les morceaux se mettent en place. C’est pas toujours élégant mais qui a dit que ça devait l’être?

Mais ce que j’aime le plus en lui c’est qu’il sait toujours d’instinct quand c’est le bon moment de me prendre la main. C’est toujours inattendu et ça m’émeut à chaque fois. Sa main, toujours, qui me soutient, m’aide, m’apaise, me console, me conforte. Un petit rien, qui fait tout. A chaque fois, comme un mot qu’on laisse sur le coin de la table, un petit rien qui nous rend notre sourire, juste pour faire plaisir. Des milliers de petits post-it accrochés dans le coeur, pour toujours.

Trouver quelqu’un qui sait vous prendre la main au bon moment et la baiser, simplement. Le plus merveilleux n’est pas tant les échanges verbaux que ces petits moments de silence où la grâce passe.

C’est ça vieillir : quand le corps s’épuise, il reste une main qui vous réchauffe quand le cœur se glace…

Et à Venise, c’est a un petit cachet romantique, je dois avouer…

Ce diaporama nécessite JavaScript.

Femme de marin 2013-14: Oh Capitaine, mon Capitaine!

Fébrilité, quand tu nous tiens! Les vacances, c’est génial! Quand, en plus, on s’apprête à réaliser un rêve (voir Venise et Florence), c’est encore mieux. Et si, au surplus, c’est pour aller rejoindre la Capitaine adoré, c’est le paradis!

Visite chez le coiffeur puis enregistrement en ligne, check! Début du « montage » de la valise selon les conseils de ma chère Lili et dégustation d’un petit vino tranquilo en savourant mon début de vacances.

Le Capitaine a changé de marina car où il était c’était suffisamment loin de Venise pour que le transport jusqu’à l’aéroport lui coûte 150 euros! Il est maintenant à Isola di Sant’Elena  qui fait partie d’un des six sestières, quartiers historiques de Venise. Probablement plus cher que le précédent endroit, mais nous économiserons sur les différents transports, car je veux visiter l’île de Murano (renommée pour le soufflage du verre), l’île du Lido (site de la Biennale de Venise qui se tient présentement) et l’île de Burano (connue pour sa dentelle et ses canaux bordés de maisons vivement colorées).  Nos transports seront également facilités pour aller à Florence et dans d’autres endroits dans le nord de l’Italie.

Il y a aussi les Dolomites que nous voulons visiter. Les Dolomites sont un massif des Préalpes orientales méridionales. Elles tirent leur nom de la « dolomite », roche calcaire d’origine marine. Le point culminant du massif, la Marmolada, fait 3,343 mètres d’altitude. Depuis 2009, les Dolomites sont inscrites au patrimoine mondial de l’UNESCO. Ça promet d’être impressionnant à voir!

Cette année, je me suis plus ennuyée de l’absence du Capitaine, fouillez-moi pourquoi! J’ai appris à fonctionner par cycles : le cycle où il y a la fébrilité du départ tant pour le Capitaine que pour moi. Forts d’avoir passé l’automne et l’hiver ensemble, nous avons eu le temps de nous retrouver, de nous réadapter à la vie commune, de s’être tombés mutuellement sur les nerfs et d’avoir hâte de partir pour lui et moi d’être seule dans ma tanière afin de la mettre à ma main. Puis arrive le cycle de l’adaptation à revivre en solitaire, la mélancolie de me retrouver seule dans un grand lit puis l’habitude de m’y faire. Le troisième cycle est la fébrilité des retrouvailles, les retrouvailles puis la découverte de nouveaux pays ensemble. Le quatrième cycle est le retour de vacances et le comptage des dodos jusqu’à ce qu’il revienne. Le cinquième cycle est le retour du Capitaine, la période de réadaptation de la vie à deux, le plaisir de faire des choses à deux et d’avoir une vie sociale plus active.

Cette année, la mélancolie de son absence ne m’a pas quittée même si nous nous parlons à tous les jours. Pourtant, je me sens bien, pas dépressive et confortable avec la vie d’une femme de marin. Ça doit être les hormones! Force est de constater qu’après 10 ans, l’amour est toujours aussi vivant entre nous. La complicité demeure au rendez-vous et je ne vis plus les séparations comme des fatalités depuis belle lurette. J’y ai trouvé un style de vie qui me convient, le meilleur des deux mondes. Le Capitaine a été une bénédiction dans ma vie, malgré son caractère impétueux sur lequel il travaille avec ténacité, je dois avouer.

Je le sais en train de préparer amoureusement mon arrivée, mon espace dans le bateau et ça fait chaud au cœur.

Oh, Capitaine, mon Capitaine! J’aborderai tes rivages sous peu et le ciel n’en sera que plus étoilé…

Femme de marin 2013-11: Revoir le Capitaine

J’ai toujours aimé les films du 19e siècle où la fille se voit donnée en mariage à un parfait inconnu et elle en tombe amoureuse (évidemment!) ou encore l’histoire du marin qui part et la femme l’attend avec les sentiments à fleur de peau. Je sais pas pourquoi mais ça vient me chercher à chaque fois. Prenons le film La Leçon de piano qui raconte l’histoire au XIXe siècle d’une jeune femme écossaise que son père envoie avec sa fille de neuf ans en Nouvelle-Zélande pour y épouser un colon qu’elle ne connaît pas. Bon, elle se fait « domper » sans cérémonie sur une plage sauvage et doit attendre le dit mari qui va venir la chercher. S’enclenchent alors des tentatives de rapprochements plus ou moins heureux, si bien que l’histoire a une autre issue (elle finit avec un autre) mais pour moi ce n’est pas tant la fin qui est intéressante que tout le parcours pour devenir une femme libérée et amoureuse. J’aime quand les choses sont douées de sensibilité et d’intuition.

Moi, l’attente, je connais ça! La vie que nous menons fait que même après 10 ans, c’est IMPOSSIBLE de tomber dans la routine avec le Capitaine. Les départs, les retrouvailles et les retours entretiennent la flamme si bien que lorsqu’il ne pourra plus naviguer et qu’il sera tout rabougri dans son fauteuil, je songe sérieusement à l’envoyer faire des séjours réguliers en foyer de retraite, histoire de m’en ennuyer un peu! Paraît que les Résidences Soleil sont vraiment très bien. De toute façon, j’ai vraiment pas envie d’être là quand il pognera les nerfs après une employée de la résidence et qu’il brandira sa canne d’un air menaçant… On ne se refait pas à son âge, hein? Maudit Capitaine Haddock parfois…

Mais un marin, aujourd’hui,  ça ne découvre plus de trésor et ça sent pas toujours la mer! Un marin, c’est comme tout le monde : en vieillissant, ça prend de l’expansion et ça ronfle, c’est souvent fatigué parce que ça a travaillé fort et ça te dort dans la face. Au fond, c’est comme n’importe qui qui prend de l’âge. Et toi aussi, tu suis, tu deviens avec les mêmes manies et t’appelles ça de l’intimité, ou dans le meilleur des cas : de la complicité.

On finit par s’y faire. Quand arrive le temps de partir, on attend qu’il parte, loin, longtemps. On est heureux. Et puis, paradoxe, on finit par s’en ennuyer, et on a hâte qu’il revienne. Entre les deux, on a hâte de le rejoindre. C’est la fête!!!

Je suis une femme de marin. Je m’assume. Dans les années 1900, j’aurais fait des milles à genoux, sur de la vitre cassée, pour boire l’eau de ton bain, mon amour!! Au fond, y a rien qui a changé même aujourd’hui.  Ça n’a rien à voir avec la dépendance; c’est simplement de l’amour… et le désir insoutenable de 2 êtres qui vont vivre de belles retrouvailles.

Plus qu’une semaine!

Femme de marin 2013-6: C’est juste des émotions, c’est pas une dépression!

Sister est venue me voir en fin de semaine et nous avons eu une conversation intéressante sur les émotions vécues lorsqu’un des conjoints est parti au loin pour un long moment. La conversation concernait surtout l’étalage de ces émotions sur mon blogue  (les chroniques concernées viennent d’être rebaptisées  Femme de marin…) et de l’effet que la lecture de ces chroniques a sur certaines personnes. Sister parlait surtout de la façon dont elle recevait mes propos mais aussi des commentaires que Mother lui faisait parfois. Il faut dire aussi qu’il m’est arrivé (pas souvent, heureusement) d’avoir des commentaires d’autres personnes qui démontraient une légère inquiétude sur l’état de mes humeurs.

Peut-être que mes propos traduisent mal mon esprit au moment où ils le traversent.  Bon… je ne m’attends pas à ce que tout le monde comprenne de façon empathique ce que je ressens mais je crois (déformation professionnelle) que pour faire comprendre le vécu d’une expérience, il faut en parler! J’ai toujours cru aussi que le pouvoir soulageant de se reconnaître dans l’expérience de l’autre permet de s’approprier la nôtre. Quand j’ai commencé à écrire mon blogue, j’ai cherché en premier s’il existait quelque chose de similaire sur le Net et je n’ai presque rien trouvé. Bon, c’est pas parce qu’on ne voit rien que ça existe pas! Donc, je construis à mesure, j’y vais au feeling.

Prenons les cartes marines : elles vous donnent de précieuses indications sur les sondes et la profondeur de l’eau, les dangers comme les récifs, les hauts-fonds et les épaves, la signalisation maritime et les amers. Mais en aucun temps, elles ne sauraient vous renseigner sur les conditions météo lors de votre traversée (il vous faudra un autre outil pour ça) et sur l’état de votre esprit et la force psychologique que ça vous prendra pour affronter les intempéries et les imprévus. Il en est de même pour l’expérience de vivre séparé du conjoint. On sait qu’en théorie le Capitaine reviendra et qu’on devra traverser cette attente sans lui mais les fluctuations émotives suivent le flow et ne sont jamais prédictives. Tenter de garder le cap, sans plus…

La discussion avec Sister m’avait laissé une vague impression que peut-être je faisais grand étalage de cette partie de mes émotions… J’ai donc fait un petit recensement et j’ai été étonnée. Depuis l’ouverture du blogue : 425 articles publiés. Sur ces 425, le Capitaine a écrit 57 chroniques (soit 14 % des écrits) tandis que j’ai pondu le reste soit 368 articles. Sur ces 368 articles, seulement 7 % ont été consacrés au couple tandis que le 93 % restant sont des chroniques de voyages ou d’humeur générale.

Seulement 7 %… Y a toujours ce petit moment où j’hésite entre « est-ce que j’écris ça ou non? », où je me demande si les gens vont interpréter ma nostalgie comme des sentiments forts entre deux personnes ou une manifestation extérieure que « ça va dont pas pour la pauvre Mado! ». L’idée des chroniques est de rendre compte de l’évolution d’une expérience au fil des années, sans toutefois la généraliser à toute personne qui en vit une similaire. Il s’agit plutôt de préserver son caractère unique et particulier. Qu’est-ce qui tisse un lien et le maintient? La distance renforce-t-elle ou diminue-t-elle ce lien? Quelles sont les caractéristiques des personnalités qui sont les plus enclines à supporter ce type d’expérience? Quelles couleurs prennent les concepts « éloignement », « confiance », « couple », « fidélité », « engagement » avec le temps?  Très heuristique en bout de ligne…

Mais pour le moment, je suis encore dans ma phase où les contacts physiques avec le Capitaine me manquent énormément. Sa voix me manque, ses bras me manquent, ses baisers me manquent… et tout le reste me manque. La phase la plus dure jusqu’à ce qu’on se retrouve. Et le Capitaine qui m’écrit régulièrement que ça s’en vient. Isn’t that cute??

A défaut de sa présence, je viens de me taper les 5 saisons de Sons of Anarchy et j’ai jeté mon dévolu sur Tig Trager (interprété par Kim Coates, six pieds deux, les yeux bleus, ça rend heureux!) et sa Harley Davidson Dyna Street Bob 2006, superbe engin qui me rappelle certains souvenirs de jeunesse que je tairai par discrétion naturelle… Là, vous vous demandez de quel engin je parle, hein??? Petits vicieux!!!

Tig me tient compagnie… Cinq semaines encore avant que j’aille m’affaler dans une gondole à Venise à tes côtés et je te jure, Capitaine, Tig n’aura plus aucune importance!

Femme de marin 2013-4: Rendez-vous doux

Il m’arrive parfois de m’enrager contre la technologie comme si nous ne pouvions plus rien faire sans. Je me rappelle avoir laissé une empreinte inoubliable au département de soutien informatique de l’université Laval lorsque j’avais lancé mon clavier sur le mur parce qu’il ne fonctionnait pas et qu’aucun technicien n’était là pour me dépanner (l’ordinateur s’était remis en marche par la suite!) ou d’avoir engueulé vertement un agent de soutien technique de Vidéotron parce que je n’arrivais pas à programmer la nouvelle manette de ma télévision et que je ne comprenais pas les instructions téléphoniques dudit agent.

 M’enfin, je ne suis pas toujours aussi exaspérée mais je dois avouer avoir moins de patience avec les objets qu’avec les gens (heureusement!). L’humoriste Michel Barrette fait un monologue particulièrement savoureux à cet effet où il raconte comment le quotidien se vivait dans son temps, bien avant la venue de la technologie. Il fallait se lever pour changer le poste de la télé, poster une lettre et attendre la réponse par courrier traditionnel et tout un tas de choses qui nous obligeaient à nous déplacer pour obtenir ce qu’on voulait. Dommage que je n’aie pas retrouvé la vidéo sur Internet. Je dois confesser que mon seuil de patience s’est abaissé avec les années. Alors qu’auparavant, nous étions habitués à patienter des jours avant d’obtenir une réponse quand on communiquait, aujourd’hui on s’impatiente si la personne ne nous a pas répondu dans les 5 minutes suivant l’envoi d’un texto ou d’un courriel. Je suis la première à manifester des signes d’impatience et à rager devant mon clavier ou mon cellulaire quand l’autre ne me répond pas ou que la communication coupe sur Skype.

 Nous sommes à l’ère des communications et pourtant, la dépression et le sentiment de solitude sont aussi en hausse. A l’époque où on n’avait d’autres choix que d’attendre une lettre quand tous les autres moyens de communication ne fonctionnaient pas, ou dans des temps plus reculés encore lorsque le messager était le seul lien avec votre interlocuteur, on ne pouvait faire autrement qu’entretenir l’imaginaire et la foi en l’espérance d’une réponse qui tardait parfois à venir. Quand je regarde un film où le téléphone n’existait même pas, je me demande comment les amants vivaient cet éloignement, l’absence de nouvelles. Je crois que pour diminuer l’angoisse, ils s’occupaient! S’activer dans l’attente.

 Si ce n’eut été de l’informatique, je n’aurais probablement jamais rencontré mon conjoint. Même si Internet apporte son lot d’inconvénients et qu’il n’est pas la solution à la solitude caractéristique de notre époque, il demeure que c’est un moyen d’échanges qui facilite les rapprochements lorsqu’un des deux conjoints est au loin. Il faut le voir comme ça. Comme je l’ai dit dans un article précédent, un couple c’est un projet en soi et ce projet ne doit pas être en suspens parce que l’autre n’est pas à un mètre de vous.  L’éloignement permet la différenciation. Ce n’est pas une fuite ni le déclin de l’amour. Il s’agit d’éloignement planifié et temporaire. Il y aura toujours un retour.

 C’est un art d’affronter le quotidien en couple mais seule, j’en conçois, mais le temps demeure notre meilleur allié à une époque où nous en manquons. Ça permet de mettre les priorités aux bonnes places. Il y a ces petits moments de bonheur, nos rendez-vous sur Skype, qui valent leur pesant d’or et même si c’est pour parler de tout et de rien, de notre quotidien mutuel durant quelques minutes (« qu’as-tu fait aujourd’hui? », « tu es en forme ? », « tu as bien dormi? », « je t’aime »), le fait d’être au rendez-vous à l’heure convenue (lorsque c’est possible) suffit à entretenir le sentiment amoureux entre nous.

 Ça me rappelle une histoire qu’une ancienne collègue, Véronique, m’avait contée bien avant que je rencontre le Capitaine. Elle disait que sa mère avait été mariée pendant 25 ans avec son deuxième mari et tous les jours durant ces 25 ans, il lui laissait, avant de partir au travail, des billets doux un peu partout dans la maison. Parfois, c’était des petits « post-it » collés quelque part ou un tendre mot dans son sac à lunch ou encore dans la poche de son manteau. Tous les jours… Et sa mère avait gardé dans une boîte tous ces mots comme des caresses qui embellissaient son quotidien et la confortaient dans les moments difficiles.

 Je me rappelle avoir été très impressionnée, l’avoir enviée, avoir désiré vivre moi aussi une relation aussi passionnée même si je n’avais plus grand foi dans une vie de couple durable.

 L’éloignement, une catastrophe, une épreuve? Ben non… J’ai, moi aussi, mes rendez-vous doux comme un fil d’Ariane qui me guide.

Femme de marin 2013-3: Dans les petits bateaux, les meilleurs onguents…

Ce qu’il y a d’ennuyeux dans l’amour, c’est que c’est un crime où l’on ne peut pas se passer d’un complice. (Charles Beaudelaire, Mon coeur mis à nu)

 Tu te lèves, traîne tes pantoufles dans toute la maison, tournes en rond. Tu vas te faire un café et pendant que tu attends le doux nectar qui va te remettre d’aplomb, tu regardes par la fenêtre la neige tomber. La ville dort encore sous un manteau blanc. L’ordinateur est ouvert et aucun message t’attend, pas plus que sur le répondeur téléphonique. Une autre année commence et il n’y a qu’un amoncellement de vaisselle sale qui attend d’être lavée. Méchant planning! Tu regardes le canal météo et c’est la merde pour la semaine à venir. Tu refermes la télé.

Tu remarches dans la maison, prends ton café au passage. Il est quelle heure déjà? Neuf heures et tout le monde dort encore. C’est normal, hier tout le monde tombait dans les bras de tout le monde pour se souhaiter bonne année et festoyer après avoir ri un bon coup devant le traditionnel Bye-bye. Tu viens de passer toutes les vacances des Fêtes seule parce que c’est ce que tu voulais. Tu venais de clairer un xième soupirant qui soupirait plus qu’il n’agissait. Tu lui as donné son bleu parce que tu en avais assez d’absorber ses mensonges. T’es une vraie éponge – déformation professionnelle, sans doute –  et cette fois-ci, tu as essoré tout ce qui se trouvait sur ton passage. C’est le cadeau de Noël que tu viens de te faire et la résolution que tu comptes tenir pour la nouvelle année. Tu es la maîtresse.  La bien-aimée aux heures convenues.  T’es comme un port où les marins accostent, font leur « pump out », se ravitaillent et repartent illico vers des cieux plus lumineux. Oui, je sais, t’avais dit plus jamais de cette assuétude molle, plus jamais d’attente à ne rien faire qu’attendre.

Merde, t’as plus de lait pour un autre café et tu devras sortir sous un froid sibérien. Shit!

Soupir et re-soupir. Allons voir quel idiot, à part toi, est connecté sur ce maudit réseau de contact sur lequel tu as réactivé ton abonnement. La veille, un ami t’a presque tordu le bras pour que tu te remettes en marche, non convaincue que c’est la bonne chose à faire pour une célibataire dans la quarantaine, intelligente mais qui souffre de myopie affective.  Tu viens de te débarrasser de ce statut de maîtresse.  Tu devrais en être soulagée.  Pourtant, tu as si froid, seule.  T’as froid aux yeux… Ton ami a raison : tu dois reprendre la mer. Holly shit!

Tu t’affales devant l’ordi, fixe le curseur qui clignote à intervalles réguliers. La souris est impatiente mais tu la fais languir. Ton estomac crie famine. Tu retournes à la cuisine et ouvres le frigo. Pas grand-chose à se mettre sous la dent. Le pain commence à moisir. Faudra le jeter. Manque de courage. Retour à l’ordi comme on va à l’échafaud. Rafraîchir la page. Seules quelques âmes esseulées font leur apparition. Tu ne connais personne sauf peut-être un type dont tu retournes voir la fiche. Ça te dit vaguement quelque chose. Vous ne vous seriez pas parlé quelques fois l’an passé? Ta mémoire fait des « free games ». Active-toi un peu! Tu lui lances un « Tu dois pas te rappeler de moi mais bonne année quand même! » Une bouteille à la mer comme un S.O.S…

Retour au frigo sans grande conviction. Profonde réflexion existentielle sur la composition d’un déjeuner acceptable. Un bagel te tend les bras. Une brassée de lavage serait la bienvenue. Retour à l’ordi, un bagel dégoulinant de beurre de peanuts qui te tache les doigts. You’ve got mail!

Le type se rappelle bien de toi et te remémore des bouts de discussion dont tu n’as aucun souvenir. Eh bien… Retour à la fiche pour revoir la photo et relire le texte, histoire de sortir d’un coma éthylique solitaire en espérant qu’un brin d’intelligence va remonter à la surface. Tu tentes d’assembler les mots pour former des phrases cohérentes et intéressantes. Au deuxième message, il te donne son numéro de téléphone. Tu passes proche de l’envoyer paître, histoire qu’il ne s’imagine pas que tu es là à attendre le Messie, un filet de bave sur le menton. Mais tu te ravises et tu écris que s’il est vraiment intéressé, il va se plier au dur exercice de la correspondance pendant un  petit moment. Il te répond en te disant qu’il a pensé dans un premier temps t’envoyer te faire foutre mais que, tout bien considéré, c’est pas une si mauvaise idée que ça! Bon, celui-là il dit au moins ce qu’il pense. Ça augure bien.

Quelques jours plus tard, tu as consenti à l’appeler – conversations intéressantes qui vident la batterie de ton téléphone. Après deux semaines, vous êtes allés bruncher un samedi « moinstrentedeuzien » dans un restaurant qui manquait de chauffage. Le type n’avait rien de ce qui t’attirait normalement chez un homme mais la voix était chaude, l’écoute intense, le rire sincère et il avait ce petit geste qui t’émouvait : quand tu parlais, il passait doucement son doigt sur sa lèvre, micro-caresse qui laissait présager quelque chose d’invitant. Tu t’es dit : « Celui-là, regarde-le avec les yeux du cœur ».

Il a tout de suite mis la table, a dit qu’il allait partir, c’est sûr, un projet de retraite où il allait naviguer jusqu’en Turquie. Tu as failli lui dire : « Bien contente de t’avoir connu » mais quelque chose t’en a empêché. Au contraire des autres qui finissaient toujours par conjuguer le mot rester au passé, celui-là te parlait de départ mais tu sentais dans ses yeux qu’il voulait faire de toi son port d’attache.

Tu lui as réservé la meilleure place, un port avec un seul quai, un bail à vie. Une façon différente d’aimer.

C’était il y a 10 ans. C’est comme ça que j’ai connu le Capitaine.

Quelques enseignements de Bouddha….

Je pense à certaines personnes qui, ces jours-ci, vivent des moments difficiles. Dans les jours de tempête, j’essaie de me concentrer sur la bonté, l’humilité et le pardon.

Prenons les enseignements du Bouddhisme :

« Lorsque vous prenez soin de quelqu’un, regardez simplement la personne qui est en face de vous. Elle est exactement comme vous, elle a les mêmes besoins, les mêmes peurs, le même désir fondamental d’être heureuse et d’éviter la souffrance. Lorsque vous vous mettez complètement à sa place, vous réalisez alors que, tout comme vous, elle ne souhaite pas souffrir et désire le bonheur(…) Essayez de vous représenter une relation basée sur une réelle acceptation et un intérêt sincère plutôt que sur l’attente que l’autre nous apporte quelque chose (…). Donc, à chaque nouvelle étape relationnelle dans nos vies, se trouve pour nous une opportunité d’établir un lien positif à travers cette relation. Comme tout ce à quoi nous sommes reliés existe en mutuelle dépendance, il est très important que nous essayions d’établir des connexions positives et harmonieuses qui permettront un développement vers ce qui est bon. Et parce que ces connexions interdépendantes existent entre nous et tous les êtres sensibles, il est particulièrement important que nous essayions de développer un cœur d’amour et de compassion avec les autres. Dans nos relations avec les autres il peut y avoir bénéfice ou tort. Nous pourrions nous concentrer sur les torts que les autres nous ont faits, mais il n’y a réellement aucun profit que nous pourrions en retirer si nous nous focalisons uniquement sur les relations conflictuelles que nous avons ou sur les torts qui nous ont été faits. Par contre, si nous nous focalisons sur les liens bénéfiques que nous avons avec les autres êtres, alors cela peut vraiment nous apporter un profit et nous être utile (…). Quand on écoute avec compassion, quand on pratique l’écoute profonde, on commence à comprendre pourquoi l’autre personne souffre, l’autre personne a peur, a de la haine et du désespoir. Et nous pouvons réaliser que cette personne-là est vraiment victime de ses propres perceptions erronées (…) si l’autre personne est victime de ses perceptions erronées, moi aussi je peux être victime des perceptions erronées. »

La difficulté est justement de passer par-dessus ces perceptions erronées et tenter de comprendre ce qui peut apparaître incompréhensible à prime abord. La compassion débute ici. Quand on a ce sentiment de compassion, ce désir d’accueillir et d’aider, il serait tellement aisé si l’autre personne pouvait reconnaître d’emblée cette intention, qu’elle ait moins peur de vous et vous d’elle, qu’elle ouvre sa porte. Mais, chose triste, l’autre peut continuer à se camper dans ses idées et ne rien vouloir recevoir de vous.

Toute la difficulté réside alors dans la vague et l’eau. En effet, dans l’article « Comment transformer les peurs » de Thich Nhat Hanh, il est dit : « S’il arrive que vous tombiez amoureux d’un nuage, et si le nuage n’est plus là dans le ciel, ne pleurez pas… C’est parce que le nuage s’est transformé en pluie, et c’est la pluie qui vous appelle : « Chéri, chéri, je suis encore là, tu ne me vois pas? » Alors il faut un regard profond pour pouvoir reconnaître votre bien-aimée, elle est toujours là dans ses nouvelles transformations. »

On peut cultiver l’indifférence et le silence à notre tour, fermer les tiroirs de notre esprit afin que leur contenu ne nous atteigne plus, considérer toutes choses et tous ces gens comme un venin mortel et vivre d’amertume, de remords et de tristesse. Pour moi, la plus grande difficulté est de me détacher de ce besoin de comprendre tout ce qui m’arrive. Je ne peux le faire si l’autre ne m’en donne pas la chance.

Et je ne sais plus si on peut appeler ça une chance d’être dans cette impossibilité de le faire. Ce qui me retourne forcément à moi-même. Je sais qu’en écrivant cela, je viens justement de saper probablement le peu de chances qu’il me restait de comprendre car le Bouddhisme dit aussi : « Nous avons peur l’un de l’autre, c’est parce qu’il n’y a pas assez de communication; il y a des perceptions erronées qui nous séparent; alors il faut faire en sorte de restaurer la communication. » Il y réside un lâcher-prise mais aussi une ouverture à l’autre.

Mais lorsque la communication est impossible, c’est difficile parce qu’on ne peut jamais être par soi-même, on ne peut qu’inter-être avec tout autre chose. Alors, il faut se concentrer sur le fait que les gens demeurent en soi, par les enseignements qu’ils vous apportent sur vous-même. Les jours de pluie intérieure, j’essaie de toutes mes forces de me concentrer sur ça….

Femme de marin 2012-6: Lettre d’une femme à son marin

La monotonie de l’absence est peut-être plus difficile que la monotonie de l’habitude d’une présence. Je ne sais pas, je ne me suis jamais lassée de ta présence. Ni de t’attendre d’ailleurs, sinon je ne serais plus là. (Jolane, 3 juillet 2009)

Les femmes de marins sont avant tout des femmes de l’attente. Et quand tu ne seras plus là, j’attendrai de te rejoindre.

Je peux me définir de mille façons. J’ai une vie bien à moi qui fait que j’ai différents rôles. Mais j’aime parler de celui de la femme de marin, cette vie si différente des autres qui me singularise. Les femmes de marins ont-elles une vraie vie? Elles ont une vie différente, voilà.

Tu marches sur la mer et tu déposes tes pénates à bien des endroits mais tu es ancré en permanence quelque part : dans mon cœur. Et ça, tu le sais. J’aime à penser que cela te conforte quand tu es loin. Les départs et les arrivées n’ont jamais rien de monotone, pas plus que la vie à deux parce qu’à chaque fois, il faut la réinventer, l’apprivoiser. La vie de couple pour moi n’a rien de la routine. Et quand tu seras vieux et fatigué, que tes bras ne pourront plus lâcher les amarres, tu pourras toujours retenir les miennes, et il restera tous ces beaux albums que nous avons fabriqués ensemble et qui entretiendront notre mémoire.

Cette grande Bleue, je ne la vois plus comme une rivale parce que je sais qu’elle t’aide à garder les pieds bien sur terre et que tu connais ta chance. C’est vrai que je ne suis pas une bonne moussaillonne, mais je suis une bonne femme de marin : patiente et compréhensive, sage et ordonnée. Non, c’est faux, je ne suis ni sage ni ordonnée, mais je m’efforce de le devenir, parce que le meilleur moyen de te garder est de te laisser aller. Le marin, ce n’est pas moi, c’est toi. Il faut savoir où est sa place dans la vie et l’assumer. C’est fait!

J’ai appris le sens de l’amour en me tenant debout sur un quai, silencieuse et forte comme le sont les chênes devant la tempête. Qu’est-ce qui pourrait bien m’ébranler maintenant, sinon ton absence définitive…

Femme de marin 2012-4: « La vie à deux a ses périls ; toutes les heures n’y sont pas parfaites. » – Paul Géraldy

Depuis bientôt 9 ans que nous vivons ensemble, voilà cinq années que nous sommes devenus un couple « mi-proche, mi-distance » (j’ai préféré ce terme à celui de « couple en alternance » dont j’ai parlé dans mon article https://maler999.wordpress.com/2012/04/12/lappel-du-large/. Depuis que le Capitaine est à la retraite, nous vivons de cette façon et bien des questions m’ont été posées concernant mon adaptation à ce nouveau style de vie, la question la plus fréquente étant : « Trouves-tu ça difficile? », souvent suivie du commentaire : « Moi, je n’y arriverais pas ».  Au fil du temps, il y a eu bien des variantes à cette question mais jamais personne n’a osé poser une question directe concernant la fidélité, hormis quelques petites blagues du genre : « Loin des yeux, loin du cœur » ou « Une femme dans chaque port » (et un porc dans chaque homme??).

Bon! Ce serait mentir  de vous dire que je n’y ai jamais pensé, que je n’ai passé aucune nuit à me faire du mouron et que je n’ai jamais questionné le Capitaine sur ses rencontres outre-mer. Il serait aussi réducteur de répondre une phrase simple du genre : « Je lui  fais confiance » à moins qu’on veuille dévier une conversation qui pourrait devenir gênante. Il est vrai que l’éloignement est une situation difficile à gérer car la tension est parfois forte (l’autre vous manque, il y a toujours la peur d’être trompé(e) qui rôde, peur d’une rupture car l’autre vit des choses différentes et qui sortent de l’ordinaire). On devient territorial du fait de vivre seul, ce qui peut teinter les visites et les retours d’un sentiment momentané d’envahissement mutuel.

La première chose à se dire – que l’autre soit là ou pas – est qu’on forme un couple. Il faut avoir confiance dans ce lien et tenter de l’entretenir de toutes les façons possibles. En d’autres mots, cela veut dire qu’il faut vouloir investir du temps pour et avec l’autre, même s’il est au loin. Si, au quotidien, chacun des partenaires a besoin de sentir qu’il compte pour l’autre, imaginez lorsqu’un des deux est à des centaines, voire des milliers de kilomètres pendant des semaines ou des mois!

Pour répondre à la question sur la peur de l’infidélité, je peux dire aisément, pour en avoir été moi-même victime dans le passé, que l’infidélité n’a pas besoin de la distance pour s’installer. Il faut donc que le couple ait bâti une confiance mutuelle forte au préalable s’il veut résister à l’éloignement, sinon, les suspicions, les doutes, les reproches, les interrogatoires à outrance vont finir par devenir de la paranoïa et amener une rupture.

Différentes équipes de chercheurs américains dont celles de Clements et Markman (Clements, et al., 1997) et de Gottman (Gottman et Silver, 1999) ont constaté que certaines caractéristiques permettaient en effet, avec une précision assez grande, de prédire les probabilités d’insatisfaction et de séparation. Ils ont constaté que les aspects positifs d’une relation (niveau d’engagement, harmonie sexuelle, intimité, satisfaction, etc.) ne permettaient pas de prédire les probabilités de succès d’une relation. Ce qui semblait prédicteur par contre, était la façon dont les couples réagissaient aux divergences et aux conflits lorsqu’ils se présentaient. Dit autrement, ton couple risque de durer plus longtemps si ta façon de régler les conflits fait en sorte que chacun des partenaires y trouve une relative satisfaction.

Si le bonheur c’est de l’ouvrage au quotidien, l’éloignement fait en sorte de cultiver l’art d’affronter le quotidien « en couple mais seul(e) ». Dans le lien à l’autre, il faut apprendre à communiquer correctement dans la distance car les écrits sont parfois sujets à une mauvaise interprétation; les émotions, lorsque reçues de l’autre côté, peuvent être interprétées aussi comme encore présentes (un cafard passager peut apparaître comme une dépression pour l’autre qui le reçoit). Il ne faut pas aussi tomber dans le piège de la jalousie ou les procès d’intention.

Garder le contact et le bon m’apparaît une tâche plus importante et qui n’apporte guère de repos, tâche qui demande une énergie constante. Cela doit, dans la mesure du possible, se faire au quotidien afin que l’idée de couple ne meure pas. Si un matin en se levant, mon conjoint, pour aucune raison valable, me disait : « Aujourd’hui, je ne te parle pas », ce serait inacceptable. Et cela ne l’est pas moins parce qu’il est loin, en autant que les communications et le lieu le permettent. Il y a des exceptions comme lorsque le Capitaine est en mer ou qu’il est parti dans le désert comme c’est le cas présentement.

En ce sens, il faut savoir choisir ses batailles. La peur de l’infidélité peut, à mon avis, devenir un travail qui se pose à soi-même, travail sur nos peurs bien plus que sur l’amour lui-même (est-ce de la jalousie? Un manque de confiance en soi? De la possessivité? Une volonté de contrôler l’autre sur ses allées et venues?).

Ce qui me manque le plus c’est au fond la présence de l’autre, la chaleur humaine, l’échange avec l’autre et en ce sens, nous nous créons des rituels quotidiens en se fixant des heures de rencontres virtuelles par le biais de Skype, de la caméra où le plaisir d’entendre la voix de l’autre et voir les expressions de son visage peut pallier en partie à ces manques.

On s’entend pour dire que vivre éloignés est rarement un choix. Bizarrement, nous en avons peu discuté car dès notre première rencontre, les dés étaient jetés. Ce projet de vie que le Capitaine entretenait depuis la vingtaine serait mis à exécution dès sa retraite. Malheur à la vilaine créature qui aurait tenté de le détourner de ce dessein! Elle se serait fait jeter dehors manu-militari. C’était comme épouser quelqu’un qui a déjà des enfants. Pour ma part, ce fut comme accepter un homme et sa maîtresse! Cependant, il fut clair de préciser, pour ma part, que c’était l’unique maîtresse que j’acceptais!

La vie ne nous met jamais à l’abri de rien, quoi qu’on en pense, mais en attendant, il faut éviter de se morfondre et réadapter son mode de vie, s’accorder du temps rien que pour soi et ne pas rester cloîtré chez soi à attendre l’appel (d’où l’importance de se fixer des heures de rendez-vous). Il faut savourer les moments seul tout comme on savoure les moments à deux. Il ne faut pas non plus rester dans un doute qui nous empêche de dormir et savoir régler la question dès que possible tout en dosant nos propos. Il faut aussi continuer d’élaborer des projets à deux tout en parlant à l’autre de son quotidien. Il faut aussi planifier et savourer les retrouvailles car elles sont une nouvelle rencontre avec, à chaque fois, les mêmes émotions ravivées.

Il n’existe pas de vie parfaite dans le quotidien à deux, pas plus qu’il y en a dans l’éloignement. Chacun des partenaires amène avec soi le poids de son passé. Comme l’a dit si bien Guy Corneau : « Un nombre incalculable de fantômes du passé peuplent nos chambres à coucher. Hommes et femmes doivent lutter pour ne pas sombrer dans l’archaïsme de relations mère/fils et père/fille qu’ils ont tendance à reproduire dans leur couple ». Il y a dans l’éloignement quelque chose du détachement que je suis en train d’apprendre…

Femme de marin 2011-2: Suis-je égoïste?

Vous savez, je suis une femme compréhensive, empathique, qui accepte bien des situations inusitées. En fait, vous trouverez rarement compagne plus souple et plus compréhensive que moi. Je dis ça en toute modestie. Pour avoir jasé avec bien d’autres femmes sur ma vie de couple particulière (mon conjoint navigue 5 mois par an), qu’elles soient jeunes ou plus âgées, peu d’entre elles accepteraient les accommodements que je fais. Il y a le discours et il y a le passage à la réalité.  Mais tout accommodement se doit d’être raisonnable pour que la vie à deux soit agréable et que chacun y trouve son compte.

Avis à ceux qui aimeraient solliciter mon Capitaine pour du convoyage de bateau durant les mois où il est de retour au bercail : s’accommoder du fait qu’il n’est pas là 5 mois par an ne fait pas en sorte que ça ne me dérange pas qu’il parte tout le temps. Ma vision d’une vie de couple est un équilibre entre ces 2 pôles. Je n’ai pas encore renoncé à la vie de couple, tout comme l’a fait la comédienne Denise Filiatrault, parce que je pense que même si nos sensibilités et susceptibilités se heurtent parfois, il demeure que c’est un des plus beaux voyages que je connaisse. Vous passez des années à côtoyer quelqu’un et vous vous demandez si vous le connaissez vraiment. La traversée n’est jamais terminée. Mystère…

Mais le jour où j’aurai le « syndrome Filiatrault » je vous le ferai savoir. En attendant, je ne pense pas être égoïste en ayant envie de partager quelques mois d’un simple quotidien avec l’homme que j’ai choisi et que je n’échangerais pour rien au monde!

Présentement, je navigue sur des eaux incertaines, côté santé, et j’ai besoin de mon Capitaine à mes côtés. Mais malade ou pas, cela ne change rien à ma vision des choses. Le Capitaine est là, la moussaillonne aussi et c’est vraiment bien de vous avoir 🙂