Hier, ils annonçaient de la pluie. Au lieu de ça, on a eu de gros vents toute la journée. On se serait cru en Gaspésie, les jours de gros temps. On a passé la soirée dans la cabine à écouter une partie de la dernière saison de Sons of Anarchy sur l’ordinateur, moi avec une veste sur le dos et des bas dans les pieds. Serge qui est moins frileux que moi a fini par mettre une petite laine, lui aussi. La cabine était passée de 35 degrés à 21. C’est bien comme température habituellement, mais compte tenu des chaleurs que nous avons vécues et des gros vents qui torchaient la marina, c’était pas chaud pour les grelots. On se les gelait, comme on dit.
Par contre, ce matin, je vais beaucoup mieux. Je ne ressens plus aucune douleur et c’est dû aux médicaments mais aussi probablement au toucher thérapeutique à distance de ma chère Lili. Le beau temps ensoleillé est revenu avec des températures beaucoup plus fraîches, ce qui fait énormément de bien.
Lavage du linge sur le bateau, façon lavandière. J’aime bien cette tâche, ça vous entretient les muscles des bras. Aujourd’hui, on ira se promener. La plage du Lido attendra un autre jour, celui-ci étant trop frais pour se saucer les orteils dans l’Adriatique. Pour ma part, j’éviterai de m’y retremper les foufounes d’ici le départ, question de mettre toutes les chances de mon côté. J’ai évité de me retrouver en situation de comparer le système de santé avec le nôtre, et je ne m’en plaindrai pas. Ça n’a pas manqué à ma culture!
Donc, hier soir, on écoutait Sons of Anarchy. C’est l’histoire d’une gang de motards, vraiment calquée sur le réel. Les critiques ont dit que c’était comme un Macbeth : la tragédie dans sa plus pure expression. Eux, il leur en arrive des affaires, ils n’ont pas une vie reposante. Ça n’arrête jamais. On est dans la 5e saison et c’est un build-up à chacune. Dans celle-ci, toute la vie que la matriarche Gemma s’était construite est en train de s’écrouler et elle use de manigances pour patcher ce qui reste, pour ne pas sombrer dans le néant.
Par la suite, on a une discussion. Je me demande si elle se rend vraiment compte que toute sa vie a été un mensonge. Je me questionne sur sa sincérité à vouloir réparer. Serge dit que beaucoup de gens font ça. C’est surtout eux-mêmes qu’ils trompent avant tout. On pense être libre mais on s’acharne à garder intacte la prison qu’on a construite autour de soi. Le travail est d’autant plus pénible que les murs ont été hauts à ériger. C’est quoi la liberté au fond? Les « gros bras », c’est souvent pas ceux qu’on avait imaginés. C’est dur de vivre selon ses principes, mais c’est encore plus dur de les confronter.
Le Capitaine a toujours les yeux sur l’horizon. Il questionne sans cesse le vent, les nuages, les marées… à sa façon. Mais il ne niaise pas longtemps avec la « puck ». A 60 ans, il est toujours aussi fougueux, vrai, solide. Ce que je peux l’aimer, celui-là!
Parfois, les portes claquent, c’est comme ça. Ça arrive parce que ça doit arriver. Les idéaux qui s’entrechoquent. Les morceaux se mettent en place. C’est pas toujours élégant mais qui a dit que ça devait l’être?
Mais ce que j’aime le plus en lui c’est qu’il sait toujours d’instinct quand c’est le bon moment de me prendre la main. C’est toujours inattendu et ça m’émeut à chaque fois. Sa main, toujours, qui me soutient, m’aide, m’apaise, me console, me conforte. Un petit rien, qui fait tout. A chaque fois, comme un mot qu’on laisse sur le coin de la table, un petit rien qui nous rend notre sourire, juste pour faire plaisir. Des milliers de petits post-it accrochés dans le coeur, pour toujours.
Trouver quelqu’un qui sait vous prendre la main au bon moment et la baiser, simplement. Le plus merveilleux n’est pas tant les échanges verbaux que ces petits moments de silence où la grâce passe.
C’est ça vieillir : quand le corps s’épuise, il reste une main qui vous réchauffe quand le cœur se glace…
Et à Venise, c’est a un petit cachet romantique, je dois avouer…