Depuis la onzième année que le Capitaine navigue 4 à 5 mois par an, c’est la première fois que je ne vais pas le rejoindre. La raison est simple : comme j’entamais mon dernier 6 mois de retraite progressive, si j’avais pris des vacances, j’aurais fini plus tard et ça ne me tentait pas d’étirer la sauce. Je voulais me consacrer le plus tôt possible à temps plein à ma nouvelle association pour la Galerie.
J’ai donc sacrifié les vacances en me disant que ce serait un mal pour un bien. J’ai eu raison, malgré les « pannes artistiques » que je vis présentement. Oui, je peins, sauf que je manque d’inspiration. C’est pas le fun! Donc, je sais de quoi je parle!
Après une super belle fin de semaine passée avec des amies que j’adore (merci Brigitte et Claudine d’être ans ma vie), je suis allée voir mon associée au Symposium de Ste-Rose et j’en ai profité pour visiter les autres kiosques. Ça m’a remonté le moral. Comme dit la rengaine : « Quand je me regarde, je me désole et quand je me compare, je me console ».Parce qu’il n’y avait pas tant d’artistes que ça qui vendaient. Les gens passent – et Dieu sait qu’il en passe durant l’été – mais tous les artistes sont dans la même galère, au fond. Ça n’a rien à voir avec leur talent, souvent.
Je ne veux en rien diminuer les artistes qui étaient exposants, mais je prends conscience que je suis sévère avec moi, la majorité du temps. Rien n’est jamais parfait, je vois tous les petits détails défaillants dans mon art et ça crame mon énergie, bien souvent. C’est comme se regarder vieillir dans le miroir : je n’ai besoin de personne pour me critiquer ou m’évaluer, la vie s’en charge très bien!
C’est quand je pense que j’ai dépassé le stade de l’auto-destruction, que je me rends compte à quel point je suis parfois dure avec moi-même. Cet été m’aura fait prendre conscience de ça et j’espère bien être plus indulgente avec moi-même dans les mois qui viennent. Parce que je me suis surprise à souhaiter ardemment le retour du Capitaine, mais aussi sa façon de me remettre sur les rails quand je déraille trop et que je m’apitoie sur mon sort. Il est tellement bon là-dedans!
Aujourd’hui, c’était drôle parce lorsque je suis arrivée au stand de mon associée une autre artiste que j’aime beaucoup, Suzanne Richard (https://www.suzannerichard.ca/about), était là. On jasait avec ma pote Claudine et on parlait de la journée dépressive que je m’étais accordée cette semaine. (Parenthèse : parfois, lorsque je me sens triste, je me donne une journée de déprime, pas plus. Cette fois-ci, je m’étais permise d’écrive à Sylvie pour lui confier mes états d’âme). Donc, on jasait de mon 24 heures « neurasthéniques », quand Sylvie a dit : « Ouin, moi aussi, je commence à avoir hâte que le Capitaine revienne! ».
Je me suis dit : « Ouin, Mado, tu prends une journée de congé, pis demain tu te ramasses et tu reprends le collier ».
T’as 62 ans, tu travailles depuis que tu as 13 ans (tout en étudiant). Ça fait presque 50 ans de ta vie que tu as le même rythme, la même routine (i.e. te lever tôt le matin et aller gagner ta croûte). Tu es dans un moment important de ta vie où tu décides de lui donner une autre direction, d’autres habitudes, d’autres défis, et tu voudrais que les choses tournent rondement comme si tu avais fait ça toute ta vie?
Casser un rythme de vie, ça prend un moment d’adaptation. Je n’y suis pas habituée. Le Capitaine a pris sa retraite il y a 10 ans. Tout le monde lui disait : « Tu vas voir, tu vas frapper un mur un moment donné ». Ils se sont trompés parce que le lendemain de son arrêt de travail, il a continué à se lever à la même heure et il s’est attelé à son nouveau projet : la traversée de l’Atlantique en voilier et l’exploration d’un nouveau monde. Il s’est levé avant moi, a pris sa douche, fais le café et il s’est mis à sa table de travail. Rien n’avait changé, sauf le projet. La constance du jardinier…
Je me suis donc moulée dans ce rythme de vie en me disant que pour moi, ce serait pareil lorsque je prendrais ma retraite. Mais non…
Quand le moment est venu, j’ai fait fi de mes hésitations, de mes questionnements. Mais comme je dis toujours : quand on part en voyage, on s’amène avec soi-même. Et j’ai mis mon sac de doutes sur mes épaules sans m’en rendre compte.
La vie, c’est des hauts et des bas, c’est des questionnements et parfois des questions sans réponse. Poser des questions que les réponses ne viendront jamais endormir. C’est tout moi, ça!
Cet été est salutaire parce que je ne suis pas comme le Capitaine. J’ai mes chats à fouetter et un nouveau tattoo dans le dos : le logo de la galerie qui surplombe une mer de vagues.
Je suis une artiste, je dois m’assumer et me laisser porter par les vagues, même si parfois elles ralentissent mon air d’aller. Je ne dois jamais oublier!