Femme de marin 2018-11: Inquiétez-vous pas, je vais très bien!

Extrait d’une conversation avec une artiste alors que je donne un atelier (ça dit à peu près ceci – pas du mot pour mot):

  • Ouin, faut que je te parle. J’ai lu tes derniers articles sur le blog de la Galerie.
  • Ouin, quoi?
  • Ben, j’ai failli aller chez vous et te donner de l’Ativan pour te remonter le moral. T’avais l’air de pas bien aller!
  • (Face de chevreuil, comme à l’habitude) : Hein! Ben non, je vais très bien!

(En passant, je me suis fait le devoir d’aller lire mes derniers articles pour me demander ce que j’avais bien pu écrire qui fasse « freaker » certaines personnes sur mon état mental et j’ai pas trouvé). Mais sur le coup, je ne comprenais pas et je lui ai demandé des explications. Elle me répond que mes propos ont l’air déprimant. C’est qu’elle me suit religieusement (sur mon blog). C’est vrai que je narre bien des pans de ma vie qui ont été ce qu’on pourrait dire « sinueux » pour m’amener sur le chemin de l’art à accepter cette force que j’ai en moi mais que j’ai éludée pendant des années, compte tenu de mes antécédents (lire mes articles sur notre blog si vous n’avez toujours pas saisi).

Ça n’a rien d’exceptionnel. Quand j’écoute le parcours de bien des artistes, je me rends compte que beaucoup d’entre eux, surtout des femmes, ont un chemin de vie particulier, du moins pas linéaire, et j’en fais partie. On a beau se penser « exceptionnelles », à jaser avec les gens on se rend compte que les femmes ne font pas les choses de la même manière que les hommes. Loin de moi l’idée de faire une discrimination en tenant compte du sexe, mais il demeure que c’est un parcours qui diffère selon qu’on est un homme ou une femme. Je cite ici une étude importante de Spain, A. et Hamel, S. 1993) :

Les femmes pensent à leur avenir de manière globale et non sélective: ainsi, lorsqu’interrogées relativement à leur cheminement vocationnel, elles manifestent une préoccupation pour l’ensemble de la vie et non uniquement pour un choix strictement professionnel (Cook, 1991; Gallos, 1989). La représentation que les femmes se font de leur avenir inclut les contextes familial d’origine, familial actuel, scolaire et socio-économique. L’étude de besoins préalable à la conception 〚du programme Devenir〛 a mis au jour des préoccupations touchant la vie professionnelle, la vie amoureuse, la maternité et la vie sociale (loisirs et amitiés) (Spain & Hamel, 1991).
Donc, les femmes appréhendent l’avenir en tenant compte des diverses sphères d’activités de leur vie future. Je me suis toujours sentie interpellée par ces propos et je n’ai jamais cherché à faire comme « les hommes », tout simplement parce que je n’en suis pas un!
Somme toute, c’est ni mieux, ni pire; c’est juste différent. En tant que femme, je trouve intéressant de jaser avec les deux sexes. Qu’il s’agisse d’un homme ou d’une femme, j’aime voir ce qu’il y a de similaire et de différent, en d’autres mots, je suis plus intéressée par la démarche qu’autre chose. C’est vrai que les femmes ont un parcours différent des hommes parce qu’encore aujourd’hui, même s’il y a eu des améliorations, il demeure que les femmes se retrouvent souvent responsables de l’éducation des enfants (bon, ici j’entends mon chum qui va s’insurger contre l’idée parce qu’il s’est retrouvé responsable de l’éducation de son enfant à une époque où la majorité des hommes ne vivaient pas ce contexte; il se pense toujours dans la norme alors qu’il ne l’était pas. J’ai beau lui rappeler régulièrement, mais ça, c’est une autre histoire!). Les choses ont évolué et je salue bien bas des hommes que je connais et qui se sont impliqués activement dans l’éducation de leurs enfants. Ça a changé leur conception de la vie, mais aussi des relations hommes-femmes pour le mieux!
Cependant, il demeure que pour les femmes, j’entends bien plus des histoires qui relèvent du « syndrome de l’imposteur », comparativement aux hommes. Quand un artiste vient déposer ses œuvres à la galerie dans l’éventualité d’une exposition collective, j’entends plus de femmes se remettre en question en se comparant aux autres artistes, que d’hommes. On a encore du travail à faire pour que les artistes, amateurs ou professionnels, se donnent le droit d’exister dans leur singularité.
Autre tranche de vie : un jour, un ami artiste (homme) me dit que quelqu’un lui avait dit un jour qu’il peignait « comme un homme ». Vous vous en doutez : face de chevreuil de ma part pendant quelques secondes : « Heu… c’est quoi peindre comme un homme? ». Réponse de l’ami du genre, qui ressemble à : ben c’est une peinture énergique, d’un trait, sans hésitation, assurée ».
« Eh ben… ». Sais pas trop quoi répondre à ça! Avec du recul, me dis que je dois être un homme d’un certain point de vue. Y a-t-il une différence entre la façon de peindre quand on est un homme ou une femme? Y a-t-il des études scientifiques qui ont été faites là-dessus? Sais pas… Je ne parle pas ici des thèmes (genre « je peins des fleurs ou je peins des scènes violentes ou sanglantes »). Je parle juste du style, de l’assurance de peindre et de savoir où on va. Parce que la créativité, ça reste un mystère, quelque part. Parfois, on commence une toile. On la laisse mûrir quelque temps dans son coin. On y revient et on voit autre chose qu’on n’avait pas calculé au départ. L’art c’est souvent mystérieux. On le laisse surfer sur la vague.
Souvenir : je suis un atelier avec l’artiste-peintre Claire Desjardins. Je suis avec ma pote. On passe une fin de semaine dans l’intimité de la création. J’observe Sylvie qui a tellement l’air de savoir où elle va. Du moins, c’est l’impression qu’elle me donne (parce que je suis toujours en train de me battre avec mon syndrome de l’imposteur – c’est mon problème, je sais!). Et moi, je sais jamais ce que je vais faire, je suis toujours dans le néant, le « no man’s land ». Claire s’approche de moi et me dit en anglais : « Tu as une façon de peindre tellement énergique, tes gestes sont assurés, tu n’hésites pas ». Devinez quoi? Face de…. Je vous le donne en mille…. Pas besoin de finir la phrase.
Je suis un peu estomaquée. Intérieurement, ma main tremble. Je me compare à tous les artistes qui sont là, dans ce groupe, qui ont l’air d’avoir 1000 ans d’expérience de plus que moi. En dedans, je sens qu’une vie n’est pas suffisante pour rattraper toutes les années perdues à m’évaporer ailleurs que dans l’art. Tout cela pour dire que j’ai terminé la fin de semaine, j’ai réussi à présenter mes productions, en anglais « slang » en plus. J’ai réussi à me faire comprendre tant dans la langue de Shakespeare que dans le contenu, même si j’en suis ressortie les dessous de bras humides!
Tout cela pour vous dire que, parfois, mes articles ont l’air d’être écrits par une fille qui déprime. Mais je fais juste essayer de me rapprocher de ce que ressentent la plupart des gens qui osent se mettre en danger avec tout ce que cela comporte. Je me rappelle encore, je ressens encore les « free games émotionnels » de l’adolescence, Je suis juste un « véhicule » pour transmettre ce que les gens ressentent quand ils peignent seuls dans leur « sous-sol » et qu’ils osent se mettre en danger. Je ressens les mêmes choses que vous : je doute, je me remets en question, j’ai envie de reculer parfois et de me terrer dans mon trou.
Pis, je me dis : « Fuck, ceux qui comprennent pas, qui mangent toute de la marde ». Parce que cette phrase, aussi dure qu’elle puisse être, est, au fond, tellement équilibrante pour l’égo!

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s